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Historique du 14e BCA (Lavauzelle, 1941) et complements par
Yvick Herniou
Origine et
formation
Le 14e bataillon de chasseurs alpins après la Grande Guerre avait tenu
garnison longtemps à Trèves et avait été dissous le 1er octobre 1929 sous
le commandement du chef de bataillon Audran. Ses éléments affectés à
Dinan, en Bretagne, avaient constitué un bataillon du 71e régiment
d'infanterie.
Le 2 septembre 1939, à la mobilisation, le 14e B. C. A. est reconstitué
sous le commandement du capitaine de La Roque, aux environs de Gap : Les Emeyères, Bellevue, Trechatel.
Le bataillon est mobilisé par le CM 143.
L'encadrement d'active (25 officiers ou sous-officiers), ainsi que le
personnel précurseur, en place depuis quelques jours, est chargé de
recevoir les réservistes et d'amorcer la mise sur pied du bataillon type
montagne qui, le 6 septembre, est présenté au fanion aux effectifs de :
- 21 officiers;
- 94 sous-officiers;
- 108 caporaux-chefs ou caporaux;
- 840 chasseurs.
- 13 chevaux de selle et 150 mulets constituent les équipages du corps
doté, en outre, de 8 motos, 4 voitures de liaison et 23 camionnettes.
Le
fanion du bataillon est celui qui fut offert au cours de la Grande Guerre
en 1918 au 14e B. C. A. par le Dauphiné. Il porte, inscrits dans ses plis:
Maroc 1914, Alsace, Somme, Italie, ainsi que les noms des batailles de
Lorraine, Ourcq, Ypres et Saint-Quentin. La croix de guerre qui le
surmonte rappelle les sept citations obtenues de 1914 à 1918, dont quatre
à l'ordre de l'armée, gagnées de haute lutte au Linge en 1915, dans la
Somme en 1916, sur l'Ourcq et à Saint-Quentin en 1918.
C'est ce fanion qui participera à toute la campagne 1939-1940.
Les opérations de mobilisation se déroulent du 2 au 6 septembre aux
emplacements de dispersion, et le 7 septembre le bataillon est dirigé par
voie ferrée sur Jarrie-Vizille, puis, par la route, sur Bourg-d'Oisans où
il parvient le 10 septembre.
La drôle de guerre
Le bataillon fait partie de la 27e demi-brigade (Colonel Valentini) avec
les 6e et 12e BCA, de
la 54e brigade (Général Mellier) , de la 27e D. I. (Général Doyen) et du.
14e C. A. (général Touchon). Il est à Bourg-d'Oisans en réserve de secteur.
Séjour dans les secteurs alpins.
Le 14e B. C. A. gagne La Faurie-Montbrant en cinq étapes par le col
d'Ornon et Entraigues, La Mure, Mens et Lus-la-Croix-Haute. Le séjour dans
cette région est de courte durée et le bataillon est envoyé dans la zone
de cantonnements : Les Thuiles, La Lauze, Rioclar et La Fresquière, le 30
octobre, où il poursuivra l'instruction et effectuera des travaux jusqu'au
3 janvier 1940.
Occupation de la frontière
des Alpes. Inauguration d'un chalet au col de l'Echelle.
Le 3 janvier 1940, le 14e B. C. A. est appelé à rejoindre la région de
Briançon où il doit relever le 12e B. C. A. Le mouvement des Thuiles sur
la nouvelle zone de cantonnements s'effectue par route et grand froid en
six étapes : Ubaye, Le Lauzet, Embrun, Saint-Crépin, Pont-de-Cervière. La
surveillance de la frontière et l'exécution des travaux de fortification
sont assurées avec une compagnie à Montgenèvre, une compagnie à
Plampinet-Val-des-Prés et Sallé, 1e compagnie et P. C. à La Vachette.
Le bataillon semblait devoir se stabiliser dans les secteurs alpins que
la plupart des cadres connaissent parfaitement mais, dès le 31 janvier,
l'ordre arrive de passer les consignes de secteur au 82e B. A. F. et de se
tenir prêt à embarquer à Briançon le 6 février pour Virieu-le Grand et
Ceyzérieu où le bataillon s'installe dans les cantonnements de
Embarquement à Briançon.
cette zone dite « de rafraîchissement ». C'est qu'en effet le 14e B. C.
A. est désigné pour faire partie de la Brigade de Haute Montagne commandée
par le colonel Béthouart. Depuis le 15 janvier, l'envoi de ce corps
expéditionnaire en Finlande est envisagé, aussi de profondes modifications
à l'organisation des unités sont-elle apportées au cours de la période qui
suit.
Préparatifs de départ
Le 14e B. C. A. reçoit une nouvelle organisation se rapprochant du type
nord-est et perçoit des voiturettes et des roulantes ainsi qu'un
volumineux équipement pour climat nordique. Un remaniement d'effectifs
s'opère à la suite de visites médicales sévères et par élimination des
pères de famille de 2 enfants. Le bataillon aura ainsi à remplacer à
l'aide de renforts en personnel sélectionné un officier et 350
sous-officiers ou hommes de troupe. L'amalgame de ces renforts s'effectue
rapidement en vue d'un départ proche et le bataillon se présente dans
d'excellentes conditions à la prise d'armes du 28 février passée par le
général commandant en chef et au cours de laquelle le colonel commandant
le B. H. M. adresse aux chasseurs l'ordre général suivant :
« Officiers, sous-officiers, caporaux, clairons et chasseurs des 5e
et 27e demi-brigades de chasseurs, Vous constituez désormais la brigade de
haute montagne. Fière de votre passé, la brigade est sure de son avenir.
J'ai conscience que la France, nos chefs et vos familles m'ont confié les
meilleurs de leurs hommes et je place en vous une confiance absolue. .Je
vous demande la vôtre et, forts de cette confiance mutuelle, nous
formerons un bloc si solide que rien :
- ni l'ennemi, ni l'ennui,
- ni la faim, ni le froid,
- ni les souffrances, ni l'éloignement
ne pourront l'entamer.
Et nous montrerons au Monde, à nos ennemis et à nos
amis ce qu'est l'infanterie française, ce que sont des chasseurs français,
ce que sont les français tout court qui, surs de leur droit, ne
rentreront chez eux qu'après avoir mis leur pays, et leurs foyers
définitivement à l'abri. Et, quand vous serez vieux et que vous raconterez
à vos enfants et petits-enfants l'épopée que vous allez vivre, vous
pourrez leur dire avec fierté: « J'y étais. »... »
Saint- Martin de Belleville.
Match 6e - 14e B. C. A.
Le général Gamelin passe en revue la BHM. Le général déclare aux
chasseurs qu'ils seront le noyau du corps expéditionnaire français. "...
Aux dires du général Audet « les chasseurs défilent dans un très beau
style » et le général Gamelin, fort satisfait de ce qu'il vient de voir,
déclare simplement : « Belle troupe, n'est-ce pas ? » ..." La destination
de la BHM est alors précisée : ce sera le petit port de Petsamo, au
nord-ouest de Mourmansk.
Cependant, la cessation des hostilités entre la Russie et la Finlande
fait abandonner le projet d'expédition et de secours à la nation
finlandaise. Au cours de la deuxième quinzaine de mars, en même temps que
l'instruction est poussée de façon intense, du flottement se fait sentir
dans les opérations d'équipement et de mise sur pied matérielle du corps.
Les événements ne tarderont pas à donner au bataillon un but d'expédition
lointaine dans les mêmes régions. Le 9 avril l'armée allemande envahit le
Danemark et la Norvège, occupant Oslo, Bergen et Narvik. Les chasseurs
sont en alerte a partir du 3 avril, l'opération s'appelle "Avonmouth". Dès
le 6 avril, les permissionnaires sont rappelés par télégramme et les
préparatifs de départ pour une expédition nordique reprennent hâtivement.
Le bataillon conserve malheureusement pour l'expédition de
Norvège le type nord-est qui lui a été attribué alors que les conditions
d'emploi, et de terrain ne seront plus du tout les mêmes que celles
envisagées pour une campagne en Finlande. Le 9 avril 1940, le détachement
précurseur de la division et la 5e demi-brigade quittent Belley pour
l'Angleterre; notre tour suivra incessamment. Le bataillon reçoit l'ordre
de départ en deux convois, un convoi lourd partant de Culoz le 13 avril,
un convoi léger partant de Belley le 14 avril et comprenant le personnel
et l'armement.
CAMPAGNE DE NORVÈGE
Le départ et la traversée
Le 14e B. C. A. quitte donc le cantonnement de Ceyzérieu après un
séjour de plus de deux mois dans cette localité, séjour au cours duquel il
a perfectionné son instruction et acquis une nouvelle cohésion rendue
nécessaire par le renouvellement d'un tiers du personnel. Le transport en
chemin de fer de Belley à Brest par Lyon, Gilly sur Loire,
Saint-Pierre-des-Corps, Le Mans, s'effectue à travers les campagnes de nos
provinces embellies par un temps printanier et chacun peut, avant de
quitter la France, réfléchir à la splendeur de notre patrie et sentir
intensément la valeur de ce que nous avons à défendre. Débarqué à Brest le
14 avril vers minuit, le bataillon cantonne à Daoulas et commence les
préparatifs d'embarquement au port de Brest.
Le 18 avril les trois bateaux qui enlèvent la demi-brigade, Le
Djenné, avec le coonel, l'état-major et le 6e B. C. A., le
Paul-Doumer, avec le 14e B. C. A., et le Flandre, avec le 12e B. C. A.,
appareillent à partir de 19 heures et quittent les jetées de Brest, salués
au passage par la musique des équipages de la flotte.
Le
matériel immédiatement indispensable à la vie en campagne et au combat a
été logé sur le bateau du personnel, décision heureuse, car le reste du
matériel chargé avec beaucoup de fantaisie par la commission de port
suivra en cargos comme il pourra et même certains matériels ne seront
jamais récupérés au cours des opérations.
A bord la vie s'organise rapidement grâce au calme de la mer
et à l'amabilité du personnel du bord; les dispositions de sécurité font
l'objet de rassemblements quotidiens; une D. C. A. sérieuse complète
l'armement du navire et un service de guet permanent assure la sécurité
immédiate déjà impressionnante par le nombre de contre-torpilleurs qui
escortent le convoi : 2 torpilleurs français: le Tartu. le Chevalier-Paul
et 1 torpilleur anglais. Les contre-torpilleurs auront d'ailleurs à
intervenir en mer d'Irlande contre un ou deux sous-marins signalés aux
abords de notre route. Un jet énergique de grenades sous-marines secouant
le bateau illustrera pour les terriens un bref combat livré par nos
patrouilleurs avec l'aide d'un avion de la défense.
Embarquement à Brest sur le
Paul Doumer
Le 20 avril, le bateau s'ancre pour la journée en rade de
Greenock dans l'estuaire de la Clyde,
puis appareille à 22 heures convoyé par le Milan, le
Gerfault, l'Albatros et le Fire Drake. Ces torpilleurs nous accompagneront
jusqu'en Norvège. Les côtes d'Ecosse sont longées et dépassées dans la
journée du 21 et trois jours passés en rade de Scapa Flow permettent
l'arrivée de quelques nouvelles. On y apprend notamment que Namsos où
opérait la 5e demi brigade va être évacué par les troupes alliées. Des
préparatifs de transbordement sur des bateaux de faible tonnage capables
d'aborder les côtes de Norvège par leurs propres moyens avaient été
commencés. La décision d'évacuer Namsos influera sur la direction
antérieurement prévue, et, à la suite d'une conférence présidée par
l'amiral à bord de l'El Djezaïr, les trois bateaux de la demi-brigade sont
dirigés vers le Grand Nord, ,région de Narvik. L'appareillage du Paul
Doumer a lieu à 14 heures le 24 avril, après un séjour devant une cote
désertique et rude qui paraît bien gardée contre l'aviation ennemie et aux
abords de laquelle sont dispersés quantité de bateaux de guerre et de
commerce. Quelques heures après le départ du bataillon,. des avions
allemands ont effectué un raid sur Scapa Flow.
A partir du 2 mai, le bataillon est tenu prêt à s'engager
dans les opérations en cours qui comportent en ce qui concerne la
demi-brigade la progression nord-sud en direction de Narvik et en partant
du fjord de Gratangen. Les forces alliées en Norvège comprendront au cours
de la campagne :
-
la 1ere division légère de chasseurs sous le commandement du
général Béthouart avec la 27e demi-brigade, la brigade polonaise, la 13
demi-brigade de marche de Légion étrangère à 2 bataillons, de l'artillerie
et des services;
-
trois bataillons de troupes britanniques, sous les ordres du
général Frazer.
Le commandant des forces alliées est le lieutenant-général de
l'armée britannique Mackezie,
puis le lieutenant-général Auchinleck. L'amiral de la flotte, lord Corck
and Arrery, commande en chef.
Les troupes norvégiennes sous le commandement du général
Fleisher comprennent 4 à 5 bataillons.
Les troupes allemandes opposées. aux troupes alliées étaient
:
Ils constituaient :
Ces troupes d'élite disposaient en défensive d'organisations
et d'approvisionnements mis en place depuis longtemps.
La conquête des cols.
Le 4 mai, à 18 heures, la 1ere compagnie (compagnie Lescot)
et une S. M. sont dirigées sur le port de Stromnes et reçoit pour mission
de prendre le contact avec l'ennemi par relève de la compagnie Lalande du
6e B. C. A. dans la région au sud de la cote 244.
Le reste du bataillon suivra le 5 mai afin de relever
entièrement le 6e B. C. A., la 3e compagnie (compagnie Tatin) et 2 SM
(lieutenant Vuillard et adjudant-chef Taureil) dans la vallée du
Labergdalen, la S. E S. (sous-lieutenant Delage), la 2e compagnie
(lieutenant Morel) et le reste de la C. A. (capitaine Bumat) dans la
région cote 244. La jonction des deux colonnes doit s'effectuer dans la
région des lacs Storvand au cours de la progression vers le sud. Les 5 et
6 mai le contact est conservé par des patrouilles incessantes, l'ennemi
marque une grosse activité aérienne avec des avions volant très bas et
mitraillant les emplacements supposés, en particulier ceux de la batterie
d'artillerie du 10e colonial qu'il recherche. Le bataillon a éprouvé ses
premières pertes par bombes d'avion le 5 mai avec 2 tués et 4 blessés.
Ordre de reprendre la progression vers le sud est donné par
le colonel le 7 mai avec, pour le bataillon, mission en direction des lacs Osvand et Storvand, puis, axe col 333, croupes 409 et 416, en liaison à
l'est avec les Norvégiens.
La progression commence, rendue extrêmement penible par
l'enneigement évalué à 1,50 m en terrain plat, par les défenses d'un
ennemi bien installé dans des tranchées de neige et disposant de
nombreuses armes automatiques largement approvisionnées en munitions.
La 2e compagnie en premier échelon à l'est du dispositif
commence le mouvement le 7 vers 6 heures et progresse jusqu'à la rive nord
du lac de Reisevand où elle est arrêtée par de violents tirs de mitrailleuses.
Elle s'installe sur la position conquise et repousse une
contre-attaque ennemie. Le sous-lieutenant Martha et 5 chasseurs sont
blessés en cours de journée. La 3e compagnie et les 2 S. M. ont ordre de
rejoindre la rive nord des lacs et de laisser une section à l'occupation
de 694, massif dans lequel des éléments isolés ennemis tiennent encore.
La progression de ces unités s'effectue avec matériel à dos
dans les conditions les plus pénibles en neige profonde. La S.E.S. réalise
l'exploit d'occuper la cote 1013, menaçant ainsi déjà les arrières dé la
position de résistance ennemie située sur la ligne des cols. La
progression continue le 8 mai jusqu'aux pentes à l'ouest du lac Osvand; le
lieutenant Rey de la 2e compagnie et 3 chasseurs sont blessés en cours de
progression. . Le 9 mai, le bataillon se trouve au contact d'une ligne de
résistance, très solidement tenue par l'ennemi qui dispose en outre d'une
supériorité d'aviation incontestable. Un mouvement tournant du dispositif
ennemi est tenté, en profitant de la position tenue par la S. E. S. à la
cote 1013. Un groupement de skieurs sous les ordres du capitaine Tatin et
du lieutenant Guérin est constitué avec les groupes d'éclaireurs de
compagnies et une section de raquettistes dle la 1e compagnie; sa mission
est de déborder par l'ouest la ligne de résistance et de menacer les
arrières du col 333. Oe détachement s'installe à la cote 1013 du 9 au 12
mai dans un enneigement considérable et vivra au cours de ces trois jours
dans des conditions matérielles à peine supportables; le mauvais temps et
la tourmente y sévissent avec une température avoisinant - 22°, les
difficultés de transport sont telles pour amener le ravitaillement de la
vallée que les hommes sont restés avec seulement quelques biscuits et
boîtes de conserve pendant ce séjour.
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Transport de troupe en Norvège |
Bjerkvik
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Bombardement de Bjervik (13 mai 1940). |
Des renseignements extrêmement précieux ont été recueillis
sur les mouvements de l'ennemi au cours de cette période, mais le
détachement ne peut déboucher en raison d'une barre rocheuse qui interdit
l'accès de la région en arrière de 333. De plus, la partie descendante se
présente en glacis exposé à tous les feux de l'ennemi.
La S. E. S. restera seule à la garde de 1013 et le
détachement de skieurs rejoint le bataillon dans la région des lacs le 12
mai pour participer sans répit aux opérations en cours.
L'engagement du bataillon en direction des rives sud des lacs est
repris avec appui d'artillerie sérieux le 10 mai. L'ennemi tient fortement
les lacs et le pied des pentes à l'est de 1013. Il dispose de nombreux
minen et ses eléments, tenaces, occupant des positions remarquables pour
les tirs en flanquement ne céderont le terrain que pied à pied lorsque
chaque résistance sera à la fois menacée de débordement et prise à partie
par notre artillerie ou les 81 du bataillon. La section d'engins de la C.
A. etait commandée par le lieutenant Gillet; le personnel de sa section
obligé d'assurer le ravitaillement à dos d'homme avec de la neige parfois
jusqu'au ventre a réussi à infliger des pertes considérables à l'ennemi en
complétant au mieux l'action de l'artillerie. Ces actions locales de
compagnies liées à l'échelon bataillon par l'action des mitrailleuses, des
mortiers et de l'artillerie dureront toutes les journées des 10, 11 et 12
mai, en liaison à l'est avec la progression des Norvégiens et celle du 6e
B. C. A., mais le bataillon nettement plus avancé est en butte au maximum
de réactions ennemies.
Bataille de Bjervik
Au cours de cette période, sont à signaler la progression de la 1re
compagnie jusque dans l'isthme du lac Storvand où elle réussit à capturer
un important matériel, la brillante attaque de la 2e compagnie qui enlève
en un assaut irrésistible la croupe de la haie au pied de 1013, menaçant
ainsi les arrières du col 333. L'ennemi par un, coup de main le 11 mai, à
4 h. 30, tente de reprendre cette crête sur laquelle les chasseurs
creusaient sans répit des tranchées dans la neige pour s'accrocher au
terrain. L'ennemi échoue devant les rafales de nos fusils-mitrailleurs.
C'est là que tombe le sergent-chef Mai. Un tireur ayant été tué, le
sergent-chef Mai prit lui-même son arme et fut mitraillé à bout portant.
Un troisième tireur réussit toutefois à enrayer la contre-attaque et la
position fut maintenue inviolée.
De nombreuses atteintes du froid et de l'humidité dues au séjour
constant dans la neige fondante se font sentir et affectent les effectifs
de façon considérable, il y a quantité de pieds gelés et d'ophtalmies.
Néanmoins il faut continuer à attaquer. Après un léger répit le 12, le
bataillon reçoit ordre d'effectuer, le lendemain 13 mai, son effort
principal pour enlever la ligne de résistance : col 333, croupes 409 et
416. L'attaque du 14e B. C. A. est combinée avec le débarquement de vive
force effectué par la 13e demi-brigade de marche de la Légion étrangère.
La 13e demi-brigade, après une préparation par l'artillerie de la marine
britannique, doit débarquer à Bjervik-Médy avec deux bataillons et un
bataillon (le 1er) doit se porter en direction du 14e B. C. A., liaison à
assurer entre les deux unités vers Skoglund, sur le torrent Tverelvek.
L'attaque du 14e B. C. A. s'effectue le 13 au matin avec deux
compagnies, la 3e compagnie qui, à l'ouest, a relevé la 2e compagnie à
bout de forces, et la 1e compagnie à l'est dans la région des lacs. Seule
la 3e compagnie peut progresser, malgré de fortes pertes par mitrailleuses
et des tirs ajustés de minen. Cette attaque est reprise à nouveau à 18 h.
30 après une forte préparation des batterie d'artillerie. La 1re compagnie
occupe le col 333 à 20 h 15 et poursuivant son mouvement, pousse des
sections sur les croupes 409 et 416, ainsi que sur Ornfj, tenu
provisoirement par la section Merceron-Vicat, en attendant l'arrivée du 6e
B. C. A. sur ce dernier objectif. L'ennemi laisse des chevaux, un
important matériel, des munitions, des équipements, des cadavres sur cette
position qui représentait sa ligne principale de résistance et dont il a
défendu les abords depuis sept jours avec acharnement.
La descente sur Bjervik
La conquête de cet objectif, et l'avance de la Légion à la
rencontre du 14e B. C. A. donnent au bataillon fortement éprouvé et épuisé
de fatigue confiance dans son ascendant sur l'ennemi et quelques
humanistes apercevant du haut de 409 le bleu de la mer, le fjord de
Bjervik, se mettent à pousser le cri de « Thalassa, Thalassa » avec tous
les espoirs que ce mot renferme, espoirs en un terrain meilleur, dégarni
de neige et en un repos bien gagné. En attendant, il faut s'installer
défensivement contre toute éventualité et lancer des patrouilles à la
recherche de la liaison avec la Légion. Cette liaison est effective
seulement le 14 mai. à 13 h. 45, effectuée par la 3e compagnie. Un salut
respectueux adressé par le Commandant du 14e B. C. A. au colonel
Magrin-Verneret et transmis immédiatement par skieur, consacre la liaison
de combat entre les deux unités. Le 1er bataillon de Légion pousse en
direction du lac Hartvigvand ou il mettra la main sur plusieurs avions
ennemis utilisant le lac gelé pour l'atterissage. Derrière les
patrouilles, les unités du bataillon descendent en longeant la route
jusqu'à BjervÏk; la région a été nettoyée par la Légion, mais la route est
minée et nécessitera de la section de pionniers de demi brigade un long
travail de déminage. Malheureusement ce jour là les mines auront causé la
mort du sergent-chef Tiaon et la destruction d'un char, de plus, elles
interdisent aux équipages du bataillon le débouché immédiat du col. Cette
situation augmente encore les difficultés de ravitaillement dejà
considérables en raison de l'impossibilité d'utiliser le port le plus
proche, le fond du fjord de Gratangen étant encore gelé.
Le bataillon gagne Bjervik le 14 mai et en raison des
bombardements aériens, se disperse entre l'ancien camp militaire
d'Elvegaarden et Troldviken. L'arrivée au camp a lieu le 15 à 1 heure du
matin pour un repos bien gagné, mais qui sera de courte durée.
L'après-midi même du 15 mai, le chef de corps convoqué à Bjervik par le chef d'état-major de la division reçoit ordre de se porter
dans la presqu'île d'Oyord, d'y relever le 2e bataillon de la Légion
polonaise et d'assurer la défense face à l'est et face à la côte de
Narvik. Le départ des cantonnements s'effectue à partir de 22 heures et
est terminé le 16 à 5 heures. Dans la presqu'île la température change
complètement, la neige a presque complètement disparu et l'occupation de
la position pourrait être une détente et permettre aux chasseurs de
remettre en état leurs pieds, qui sont gonflés et dans un état lamentable
a la suite du séjour prolongé dans la neige. L'effet de l'humidité est tel
qu'il n'est pas rare de ne pouvoir remettre ses chaussures si l'on a
l'imprudence de se déchausser pour dormir. Les 16 et 17 mai, occupation de
la presqu'île, l'ennemi est peu actif, sauf son aviation qui bombarde sans
cesse les ports de Bjervik et d'Oyord et s'en prend très spécialement aux
P.C. qu'elle peut repérer. L'infirmerie de Bjervik notamment sera détruite
par bombes au cours de cette période et 2 chasseurs du 14. B. C. A y
trouveront la mort.
L'occupation du massif de Daltin et du
plateau d'Aasen. Bataille de Narvik.
Le 14e B. C. A. depuis le 4 mai semble être à bout de souffle
et un repos de quelques jours serait absolument nécessaire pour
reconstituer les unités. Mais l'attaque de vive force projetée sur Narvik
approche, il importe de libérer pour l'effort principal le maximum de
troupes fraiches ; par ailleurs, aucun renfort ne peut plus être espéré
venant de France où de graves événements se précipitent. Le Commandement
fait encore appel au 14e B. C. A. pour repartir, traverser la montagne et
poursuivre les attaques vers l'est le long de la rive nord du
Rombakenfjord dépassant largement sur cette rive les défenses de Narvik et
de la voie ferree. La configuration du terrain vient ajouter aux
difficultés. Le passage le long de la côte est interdit par une succession
de falaises rocheuses infranchissables, le passage par Daltin et la haute
montagne enneigée est inévitable et tous les transports se feront encore à
dos d'homme. Le 14e B. C. A. entre dans la constitution d'un groupement
temporaire commandé par le colonel commandant la 13e demi-brigade de
Légion. La progression se fera lente, méthodique, retardée deux jours par
un brouillard épais, mais les 3e et 2e compagnies flanc-gardées par la S.
E. S., les sections de mitrailleuses du lieutenant Bourboulon, de
l'adjudant chef Taureil, le groupe d'engins du lieutenant Gillet
franchiront quand même l'obstacle pour occuper le 20 mai tous les
objectifs assignés. Au cours de cette période, certains ravitaillements
exigeaient de la part des porteurs 14 heures de marche aller et retour
dans une montagne chaotique et survolée par l'aviation adverse. Notre base
de ravitaillement était à Bjervik avec dépôt avancé à Seines. Quelques
jours apres, le colonel commandant la 13e demi-brigade, dans une lettre
adressée au chef de corps, reconnaîtra en ces termes l'effort fourni par
le bataillon :
Mon cher Camarade, Les événements précipités de ces
derniers jours ne m'ont pas permis de vous remercier, vous, vos officiers,
vos cadres et vos chasseurs de votre collaboration efficace. Vous avez
progressé dans un terrain impossible vers 332, installé une base à
Lillberget et par là grandement contribué à fixer l'ennemi et à le
distraire du terrain d'opération du Sud. J'ai vu moi-même vos chasseurs
monter avec des chaussons ou même se faire porter. Je sais quel effort et
quel sacrifice votre action représente. La Légion vous en remercie. Ce
souvenir de combat ne fait que renforcer les liens qu'avait créés notre
première liaison avec les chasseurs de la 1ere division légère et
précisément avec votre bataillon. Veuillez agréer, mon cher Camarade, pour
vous, vos officiers, vos cadres, et vos chasseurs l'expression des
sentiments de fraternité d'armes de la Légion.
Le 22 mai, le dispositif du bataillon est réalisé face à
l'est; la 3e compagnie occupe les lignes de crête qui dominent les lacs de
St-Trolvand. Elle est en liaison à vue avec l'armée norvégienne au
Cirkelvand. Les quelques éléments de la Légion s'amenuisent de plus en
plus, réclamés pour l'opération de Narvik et la 3e compagnie aura à
assurer, isolée, une surveillance constante face à l'est et face au nord.
La 2e compagnie occupe le mouvement de terrain d'Aasen, la naissance des
ravins qui descendent vers le fjord et, à la cote 301, tient une ligne
très avancée où la plus grande vigilance s'impose. La 1re compagnie occupe
le bord du fjord dans la région de la cote 32 et du ravin de Storelven et
aura à maintenir le contact avec un ennemi très mordant. A la 1re
compagnie, la section Pont, notamment, prise dans une embuscade tendue par
l'ennemi le 25 mai, se dégage par un combat corps a corps au cours duquel
le sergent-chef Pichiottino et ses chasseurs abattent dans un bois
plusieurs ennemis.
Dans cette même région, l'adversaire établit des dispositifs
de mines sur les terrains où il suppose que nos patrouilles vont opérer.
C'est ainsi que la S. E. S. le 26 mai paie un lourd tribut à cette arme
terrible et sournoise qui lui coûte 4 tués et 5 blessés. Les mitrailleuses
et les engins sont répartis entre les différentes compagnies, leurs tirs
incessants harcèlent l'ennemi et assurent l'inviolabilité des positions
constamment améliorées. Au cours de cette période, l'activité aérienne ne
se ralentit pas; à la faveur de la pénombre, en général entre 23 heures et
2 heures, les ravitaillements ennemis s'effectuent régulièrement, paquets
lancés par parachutes, renforcement des lignes par parachutistes... Aux
avions de reconnaissance succèdent les avions de bombardement qui volant
très bas détruisent les maisons une par une, mais ont heureusement moins
de précision sur le port de Lilleberg par lequel transitent tous les
ravitaillements et se fout les liaisons et les évacuations. Un combat
aérien bref et brutal se livre le 26 mai, les avant-postes ont la
satisfaction de voir tomber dans le fjord, un bimoteur allemand poursuivi
par 2 chasseurs anglais. Une ligne téléphonique longeant la côte a été
réalisée par un véritable tour de force des transmissions de la
demi-brigade et du bataillon (lieutenant Hérault) à travers rochers et à
pics et relie les deux P. C. de la demi-brigade à Lindstrand et du 14e B.
C. A. dans le ravin de Elvekokoden.
Le 24 mai, nos avant-postes et le poste d'observation du
bataillon (sergent Courtin) signalent des renforcements constants et des
mouvements de troupe vers le pédoncule presqu'île de Stromnen. Ces
renforcements dureront les jours suivants. Le 27 mai, veille de l'attaque
générale de Narvik, les opérations locales menées avec activité par les 2e
et 3e compagnies en liaison avec l'armée norvégienne (colonel Dalh) ont
porté nos lignes tout contre les falaises des massifs du Haugfjeldet et du
Sansmofj. L'attaque de cet important bastion de la défense ennemie ne peut
être entreprise qu'avec de gros moyens d'artillerie et une manœuvre
tendant à couper l'ennemi de la frontière suédoise. La mission offensive
du 14e B. C. A. est terminée pour le moment. Largement avancé sur la rive
du Rombakenfjord il couvre au nord les attaques de la Légion et des
Polonais sur lesquelles se concentre l'intérêt.
Le 28 mai, à partir de 0 heure, le bataillon assiste à la
formidable préparation d'artillerie de la marine britannique; bientôt la
ville et le port de Narvik sont en feu, les défenses de l'ennemi
habilement dissimulées dans les tunnels de la voie ferrée sont prises
d'enfilade par les canons des destroyers. La préparation est
impressionnante et menée avec précision. Un incident qui aurait pu être
tragique cause seulement quelque
émotion à notre section de ravitaillement
du port de Lilleberg qui est soumise par erreur au feu d'un destroyer
anglais. S'apercevant rapidement de sa méprise, le destroyer détache une
chaloupe et un officier vient auprès du médecin s'enquérir avec flegme du
nombre de tués et blessés. Le bilan est nul heureusement et l'Anglais
après avoir présenté ses excuses repart tout content s'occuper ailleurs
d'un tir plus justifié. La supériorité de l'air est assurée pour le temps
de l'attaque par les sorties de Hurricans, ces chasseurs anglais et
australiens qui disposaient de terrains artificiellement nivelés à l'aide
de couches superposées de grillage, de tapis brosse et de terre.
L'attaque de la Légion se déclenche, les petits bateaux
blindés, les transports divers font une navette incessante entre Oyord et
Narvik; la progression de la Légion au
delà de Narvik s'affirme et se
poursuit. C'est au cours de cette journée du 28 que le bataillon apprendra
la mort du commandant Paris, chef d'état-major de la 1re division légère
de chasseurs, tué d'une balle au front. Le commandant Paris était venu
personnellement plusieurs fois prendre contact avec le bataillon en cours
d'opération et sa mort a été ressentie profondément par les cadres du 14e.
Pendant la période du 29 mai au 2 juin, le bataillon reste sur ses
positions qu'il tient solidement, bien que dispersé sur un arc de cercle
dont le rayon atteint 6 kilomètres. Les réserves disponibles s'amenuisent
mais l'ennemi est suffisamment tenu en respect devant notre front et,
occupé devant Narvik, il ne tente aucune contre-attaque. Le pédoncule de Stromnen est occupé par la Légion le 31 mai et un bataillon poursuivra en
direction de l'est jusqu'à Silvik...
Le départ de Norvège
Cependant, les ordres de départ arrivent le 2 juin. Les
événements de France imposent l'abandon des opérations en Norvège. La
nouvelle, tenue secrète, ne sera divulguée aux Norvégiens qui doivent
relever le bataillon qu'au tout dernier moment. Le bataillon doit se
regrouper dans la région de Liland (baie de Bogen) pour être embarqué
ultérieurement. Le commandant du 14e B. C. A, désigne les deux compagnies,
la 1re et la 2e (capitaine Lescot et lieutenant Morel), la S. M. (celle du
lieutenant Bourboulon) et le groupe d'engins qui auront l'honneur de
protéger le décrochage général du corps expéditionnaire de Norvège, action
combinée avec détachements d'arrière garde également du côté de Narvik. Le
lieutenant Hérault, officier de renseignements et de transmissions, reste
pour assurer la liaison avec la 27e demi-brigade et la division.
Le départ de la région de Lilleberg des autres éléments du
bataillon s'effectue en deux détachements le 2 juin.
Un premier
détachement (le P. C. du bataillon, la S. E. S., 3 S. M. de la C. A., le
poste de secours) quitte le port de Lilleberg à partir de 18 heures, sur
chalutiers norvégiens et se rassemble dans les bois de la cote 145
(presqu'île d'Oyord) en attendant l'embarquement en camions sur Liland. Un
deuxième détachement, la 3e compagnie rejoint Seines par voie de terre et
refait en sens inverse le dur trajet par la montagne de Daltin. Le
regroupement du bataillon est réalisé à Liland le 5 au matin. Les mulets,
les camionnettes, avec le matériel lourd du bataillon ont déjà gagné par
étapes Harstad pour embarquer à quai.
L'embarquement du détachement a lieu
à Liland le 6 juin, à 19 h. 30. Effectifs: 12 officiers, 46
sous-officiers, 334 hommes de troupe. Le matériel autorisé est limité aux
sacs individuels, à l'armement, aux munitions et à cinq jours de vivres;
pas de bagages à mains, afin d'avoir les mains libres pour passer d'un
bateau à l'autre. Le surplus de matériel a été dirigé sur Harstad et
quelques approvisionnements et munitions sont détruits sur place avant le
départ. Une brève cérémonie a lieu par compagnie avant de quitter la terre
norvégienne; l'appel des morts réalise la synthèse des efforts
exceptionnels fournis par le 14e B. C. A. au tours de cette campagne
victorieuse. Avec tristesse, nous devons confier à l'armée norvégienne la
garde des tombes à peine refermées de ceux qui, tombés pour la France,
auraient droit de reposer en terre française.
Dix bateaux à moteur norvégiens enlèvent le détachement pour
un court trajet vers le torpilleur anglais X-79 (Pire Drake) charge de
l'amener dans la région des Lofoten sur le paquebot Ormonde. La traversée
s'effectue entre 21 heures et 3 heures dans les eaux calmes des fjords et
par un soleil qui, ne descend plus au-dessous de l'horizon. Les 1re et 2e
compagnies laissées en couverture de l'embarquement général dans la région
de Lilleberg sont relevées par les Norvégiens et rejoindront en pleine mer
sur la Duchesse d'York le convoi de bateaux le 9 juin. Le décrochage de la
région de Lilleberg s'effectue dans de bonnes conditions. L'ennemi, trompé
par notre attitude offensive et affaibli par les pertes infligées au cours
de la bataille de Narvik, ne réagit pas au moment de l'embarquement. Cet
état de fatigue et d'usure de l'ennemi a été confirmé par la suite.
Montent à bord avec les 1re et 2e compagnies le personnel de la section
d'artillerie détaché à Lilleberg et qui a dû faire sauter ses pièces après
avoir tiré jusqu'au dernier moment. La batterie était commandée par le
lieutenant Duhamel qui a constamment appuyé le 14e B. C. A. de la façon la
plus efficace au cours des. opérations.
Sur l'Ormonde, courrier de l'Orient-Line-Londres-Australie,
montent avec le 14e B. C. A. le colonel Valentini, commandant la 27e
demi-brigade, son état-major et des éléments divers : un état-major et un
bataillon polonais, le personnel de la base de Ballangen, ainsi que des
artilleurs. Le convoi de bateaux très fortement encadré par des navires de
guerre (on compte jusqu'à 18 navires de protection dont un cuirassé et le
porte-avions Ark-Royal) se dirige d'abord vers les côtes d'Islande, puis
pique sur les îles Féroë, les Hébrides, pour arriver le 12 juin à 23
heures devant Greenock. La traversée aura été marquée par deux alertes aux
avions, éclaboussures de combats livrés en mer du Nord le 8 juin entre un
détachement de la Home Fleet et une force allemande
comprenant 2 cuirassés
dont le Scharnhorst et plusieurs croiseurs. On apprendra plus tard qu'au
cours de ce combat naval furent coulés le porte-avions Glorious, 2
destroyers, un pétrolier et l'Okama : ce dernier bateau était, dans le
plan primitif, destiné à embarquer les 1re et 2e compagnies de décrochage.
Des navires de guerre anglais après la bataille ont rejoint notre convoi,
c'est ce qui explique la densité et la qualité imposantes de notre
protection.
Le 11 juin, les Allemands annoncent a la radio la reprise de
Narvik. Le 13 juin, le bataillon quitte l'Onnonde sur lequel il a reçu de
la part des Anglais la plus correcte hospitalité et embarque sur
l'Ulster Prince. Un nouveau convoi de 4 bateaux appareille le 14 juin à 23
heures vers les côtes de France, protégé par 4 torpilleurs anglais, dont
le D-76 et le D-78. Le 15 juin, à 16 heures, le convoi passe au large de
Liverpool; à 19 heures, devant le canal de Bristol et il subit une alerte
de sous marins en cours d'après-midi.
Le séjour en Bretagne
Le bateau sur lequel ont pris place les éléments de décrochage, C. H.
R., 1re et 2e compagnies, S. M. et engins (Duchesse-d'York) est envoyé
directement a Brest sans arrêt notable en Angleterre et ces éléments
débarquent le 14 juin. Dès leur débarquement, ils reçoivent des ordres
directs de l'état-major de la divi-sion. Orientés le 15 juin sur
Chateaubourg, puis Courceuil, ils ont, à la suite de cette rupture de
liens tactiques, échappé constamment au commandement de leur chef de corps
pendant toute la période qui a suivi. La portion principale du bataillon,
sur l'Ulster-Prince, se présente le 16 juin au large de Brest, mais
l'entrée du port miné lui est interdite et le bateau est dérouté d'abord
sur Quiberon, puis sur Lorient où il arrive à 17 heures aux effectifs de :
12 officiers, 46 sous-officiers, 334 hommes de troupe. Des convoyeurs
d'animaux Vulcain et Maurice-Préjac mais ne debarqueront pas en France et
aboutiront au Maroc. Le 14e B. C. A. cantonne la nuit du 16 juin à
Lorient, caserne Fréaux, le 12e B.C. A. et l'état-major de la demi-brigade
sont logés dans une autre caserne en ville. Le premier contact avec la
terre de France est assombri par l'annonce des événements particulièrement
graves qui se déroulent dans notre malheureux pays. Cependant les ordres
reçus le 17 semblent laisser espérer que tout n'est pas abandonné et que
le Commandement compte sur la demi-brigade pour assurer la défense de la
Bretagne. Un regroupement est nécessaire pour remettre de l'ordre dans les
unités, récupérer le matériel de combat indispensable qui suit dans les
cargos. Ce délai de quelques jours ne nous sera pas laissé par l'ennemi
dont la pression s'accentue d'autant plus rapide et brutale qu'il ne
rencontre pas de résistance devant lui, depuis la Seine.
Conformément aux ordres donnés, le 14e B. C. A., le 12e B. C. A. et
l'etat-major de la 27e demi-brigade quittent Lorient en chemin de fer à
22h 30 et débarquent à Dinan le 18, à 11 heures. A peine une installation
en formation gardée est-elle réalisée qu'arrive à 13 heures l'ordre de
reprendre le train qui vient d'être quitté et de revenir à Brest. Ce
mouvement de reflux se justifie par l'approche d'éléments motorisés
ennemis signalés a Combourg. De fait, les derniers trains qui pourront
passer et emmenant notamment les éléments des lre et 2e compagnies, seront
obligés de doubler les convois allemands et de traverser des gares déjà
occupées par l'ennemi. L'arrivée à Brest a lieu le même jour, 18 juin,
vers 22 heures, à la gare maritime pour la portion principale du
bataillon. Le port de Brest est abandonné; la Légion, les Polonais, le
personnel de l'arsenal, etc., s'embarquent précipitamment dans les
quelques bateaux qui se trouvent encore à quai. Les réservoirs de pétrole
et mazout sont en flammes; des avions allemands survolent le port à basse
altitude. Le colonel commandant la 27e demi-brigade, qui avait devancé la
troupe, donne l'ordre à l'état-major, à la compagnie d'engins et au 12e B.
C. A. d'embarquer sur un bateau de faible tonnage qui se trouve a
proximité de la gare maritime. Ce bateau ne pourra d'ailleurs contenir
tout le monde. Le colonel fait dire au commandant du 14e B. C. A. qu'il
n'a pas été possible de trouver un bateau pour embarquer son bataillon et
lui transmet les ordres suivants :
S'efforcer de trouver un bateau
disponible pour y embarquer les éléments venant de Dinan; dans le cas où
un bateau ne pourrait être trouvé, toute initiative est laissée au
commandant du 14e B. C. A. de dégager, comme il l'a demandé, son bataillon
vers le Sud et au dela de Brest,
dont la défense ne paraît pas être envisagée.
Des reconnaissances
envoyées à l'Amirauté et sur les quais trouver un bateau disponible ne
donnent aucun résultat. D'autre l'ordre officiel de la place de Brest arrive, prescrivant aux unités rendre à la caserne pour y être désarmées...
Dans ces conditions, il ne reste plus qu'à se dégager vers le Sud, en
direction de Quimper et de Concarneau, en utilisant les camions ou
camionnettes abandonnés sur les quais par les Anglais et les Polonais. Le
mouvement vers le port de Concarneau s'effectue le 19, de 1 heure
à 5 heures. Malheureusement les unités, séparées du chef de corps et en
cours de débarquement a la gare normale, ne pourront être prévenues a
temps; la ler compagnie, sauf quelques isolés, et une grande partie de la
2 compagnie seront faites prisonnières en cours de journée. A Concarneau
l'embarquement a lieu sur petits bateaux de pêche pouvant contenir suivant
catégorie 40 à 50 hommes; des éléments de la 27e demi-brigade ainsi que
des isolés d'autres corps sont ainsi embarqués par petits paquets. Le
point de destination convenu, d'entente avec le directeur du port de
Concarneau était La Pallice-La Rochelle où le bataillon devait se
regrouper. Le chef de corps embarque personnellement avec le lieutenant
Fabriès, officier de détails, le fanion du bataillon, la caisse et une
partie de la C. H. R. le 19, à 9 heures.
Dans la soirée, au passage
devant La Pallice, les bateaux n'obtiennent pas l'autorisation
d'accoster et reprennent la mer: le port est en flammes et en cours
d'évacuation. Finalement les éléments du bataillon débarqueront dans la
région Royan-Le Verdon, Arcachon et Bayonne, et le regroupement aura
lieu à partir du 22 juin (3e compagnie amenée presque au complet par le
lieutenant Duployé et le lieutenant Guérin, la C. H. R. et quelques
isolés de la C. A.).
Le regroupement
dans le Sud-Ouest
Au camp de Souge, le commandant
Piatte, chef d'état-major de la division, agissant au nom du chef
d'état-major général, confie au commandant du 14e B. C. A. la mission
de regrouper non seulement les éléments de ce bataillon, mais également
tous les éléments chasseurs ayant appartenu au corps expéditionnaire de Norvège (isolés des 2e, 5e, 24e et 27e demi-brigade). Cette réorganisation est rapidement réalisée, les armes
et munitions de
complément nécessaires sont perçues et le bataillon est pr'êt
éventuellement à remplir une mission que le Commandement pourrait lui
confier. Complété encore à Bayonne, le bataillon est motorisé et constitué
dans le cadre du groupement P, à 3 compagnies.
Mais les événements se
précipitent. L'entrée en vigueur de l'armistice trouve le 14e B. C. A.
regroupé à Bayonne; l'urgence d'évacuer une, zone qui, suivant les
conventions, va être occupée par l'ennemi, l'oblige a se rendre à Gelos
(environs de Pau), ou il terminera sa carrière en recréant sous l'égide de
son fanion un foyer provisoire aux éléments isolés des bataillons de
chasseurs repliés dans la région et dont la plupart, après avoir compté
dans les effectifs du corps expéditionnaire de Norvège, se sont battus en
Picardie et en Seine-Inférieure. Tous retrouveront au cours de cette
période, avec les traditions « chasseur », un foyer et un centre d'accueil
où seront réglées les questions matérielles les concernant. Les opérations
de démobilisation entreprises au cours du mois de juillet réduisent le
bataillon à son seul personnel d'active qui rejoint la région des Alpes
au début d'aout. Les éléments du 14e B. C. A. appartenant aux 1re et 2e
compagnies qui avaient pu s'échapper de Brest les 19 et 20 juin et
rejoindre l'Angleterre, suivant le sort des 6e et 12e B. C. A., sont
ramenés en France par le Maroc sous les ordres du lieutenant Gillet.
Débarqués à Casablanca le 10 juillet, puis dirigés sur Meknès, ces
éléments s'embarquent à Oran le 21 juillet pour arriver finalement à
Grenoble. Le 14e B. C. A. est dissous administrativement à la date du 31
juillet et, son fanion est déposé à la salle d'honneur du 6e B. C. A. et
confié à la garde de ce bataillon.
Au cours de cette guerre, le 14e B. C. A. a toujours rempli les
missions que le Commandement lui avait confiées. Ceux qui ont eu
l'honneur de servir sous son fanion se sont consacrés de toutes leurs
forces à maintenir intactes les traditions du 14e et ont eu la satisfaction
de pouvoir ajouter, au cours de la courte et dure campagne de Norvège, une Citation
a l'ordre de l'Armee à celles déjà conquises pur leurs anciens
au cours de la guerre 1914-1918.
Fanion de la S.E.S.
Organigramme
|
Grade |
Nom |
Prise de commandement |
Chef de corps |
Capitaine puis
Chef de bataillon |
De LA ROQUE |
? |
Adjudant-Major |
Capitaine |
GIRY |
? |
Capitaine |
GRIZARD |
.01.1940 |
1e Compagnie |
Capitaine |
LESCOT |
? |
Capitaine |
MERCHEZ |
? |
2e Compagnie |
Capitaine |
DUVERNAY |
? |
Lieutenant |
MOREL |
13.03.1940 |
Capitaine |
TANNANT |
? |
3e Compagnie |
Capitaine |
LARGILLIER |
? |
Capitaine |
TATIN |
16.03.1940 |
C. A. |
Lieutenant
puis Capitaine |
BUMAT |
? |
C. H. R. |
Capitaine |
GELPY |
? |
Lieutenant |
? |
? |
S. E. S. |
Sous-Lieutenant |
DELAGE H. |
? |
Pertes
Tombes des caopraux et sergents Duclaux (caporal),
Desirat (sergent) et Rochard (caporal) du 14e B. C. A. tous les 3 membres
de la SES inhumes a Lilleberg.
Citations
Promotions dans la Légion d'honneur
Au grade d'officier
Chef de bataillon DE LA ROQUE
Au grade de chevalier
MOREL (Léopold), lieutenant
REY (Albert), lieutenant
Décoré de la Médaille militaire à titre posthume
MAI (André), sergent-chef
Citations à l'ordre de l'armée
TATIN (Jean), capitaine
DELAGE (Henri), sous-lieutenant
GUÉRIN (Jean), sous-lieutenant
GABRIELLI (Raymond),sous-lieutenant
MARTHA (.Jean) ,
sous-lieutenant
THOMASSON (Léon), sergent
TIRAN (Albert), sergent-chef
CONSTANS (Benjamin), sergent
ANSOUD (Joseph), 2e classe
RINGUET (Abel), caporal
Citations à l'ordre de la division.
TAPISSIER (Henri), caporal
PICCHIOTTINO (Pierre),
sergent-chef
ROTH LE GENTIL (Philippe),
sergent
TRANCHANT (Ulysse), 2° classe
GIRY (Léonce), sergent
MURE (Jean), 2e classe
POURVIS (Paul), 2° classe
AULAGNIER (Régis), 2e classe
DUMONCEAU (Martial), caporal
GRALL (Paul), sergent
PERRIN (Ernest), sergent
BOUlX (Emile), caporal
BOREL (Augustin), sergent-chef
ROCHARD (Joseph), 2e classe
VENTURA (Jean), caporal
MARCHAND (Léon), 2e classe
DEMANGE (René), sergent
PERRET (Marcel), sergent
DUMOND (André), médecin lieutenant
BUMAT (René), capitaine
BOURBOULON (Jean), lieutenant
MATHIEUX (Pierre), lieutenant
GRIZARD (Gabriel), capitaine
LESCOT (Félix), capitaine
LAUZIER (Joseph), 2e classe
GILLET (Noël), lieutenant
ARMANDO (Gaston), 2e classe
NOËL (Joseph), lieutenant
GELPI (Edouard), capitaine
HÉRAULT Marcel, lieutenant
Des citations à l'ordre de la
brigade et de la demi-brigade ont, en
outre, été attribuées pour faits de guerre a plusieurs autres officiers,
gradés ou chasseurs du 14e B.C.A.
Fanion
Le fanion du bataillon est présenté le 6
septembre 1939 au 14e BCA. A la dissolution du bataillon, le fanion du 14e
BCA est confié à la garde du 6e BCA.
Refrain
« La peau de mes roulettes pour une
casquette !
La peau de mes rouleaux pour un shako!
».
Références
JMO et SHAT |
|