14e Bataillon DE CHASSEURS ALPINS

 

Historique du 14e BCA (Lavauzelle, 1941) et complements par Yvick Herniou

Origine et formation

Le 14e bataillon de chasseurs alpins après la Grande Guerre avait tenu garnison longtemps à Trèves et avait été dissous le 1er octobre 1929 sous le commandement du chef de bataillon Audran. Ses éléments affectés à Dinan, en Bretagne, avaient constitué un bataillon du 71e régiment d'infanterie.
Le 2 septembre 1939, à la mobilisation, le 14e B. C. A. est reconstitué sous le commandement du capitaine de La Roque, aux environs de Gap : Les Emeyères, Bellevue, Trechatel. Le bataillon est mobilisé par le CM 143.
L'encadrement d'active (25 officiers ou sous-officiers), ainsi que le personnel précurseur, en place depuis quelques jours, est chargé de recevoir les réservistes et d'amorcer la mise sur pied du bataillon type montagne qui, le 6 septembre, est présenté au fanion aux effectifs de :

  • 21 officiers;
  • 94 sous-officiers;
  • 108 caporaux-chefs ou caporaux;
  • 840 chasseurs.
  • 13 chevaux de selle et 150 mulets constituent les équipages du corps doté, en outre, de 8 motos, 4 voitures de liaison et 23 camionnettes.

Le fanion du bataillon est celui qui fut offert au cours de la Grande Guerre en 1918 au 14e B. C. A. par le Dauphiné. Il porte, inscrits dans ses plis: Maroc 1914, Alsace, Somme, Italie, ainsi que les noms des batailles de Lorraine, Ourcq, Ypres et Saint-Quentin. La croix de guerre qui le surmonte rappelle les sept citations obtenues de 1914 à 1918, dont quatre à l'ordre de l'armée, gagnées de haute lutte au Linge en 1915, dans la Somme en 1916, sur l'Ourcq et à Saint-Quentin en 1918.
C'est ce fanion qui participera à toute la campagne 1939-1940.

Les opérations de mobilisation se déroulent du 2 au 6 septembre aux emplacements de dispersion, et le 7 septembre le bataillon est dirigé par voie ferrée sur Jarrie-Vizille, puis, par la route, sur Bourg-d'Oisans où il parvient le 10 septembre.

La drôle de guerre

Le bataillon fait partie de la 27e demi-brigade (Colonel Valentini) avec les 6e et 12e BCA, de la 54e brigade (Général Mellier) , de la 27e D. I. (Général Doyen) et du. 14e C. A. (général Touchon). Il est à Bourg-d'Oisans en réserve de secteur.

Séjour dans les secteurs alpins.

Le 14e B. C. A. gagne La Faurie-Montbrant en cinq étapes par le col d'Ornon et Entraigues, La Mure, Mens et Lus-la-Croix-Haute. Le séjour dans cette région est de courte durée et le bataillon est envoyé dans la zone de cantonnements : Les Thuiles, La Lauze, Rioclar et La Fresquière, le 30 octobre, où il poursuivra l'instruction et effectuera des travaux jusqu'au 3 janvier 1940.

Occupation de la frontière des Alpes. Inauguration d'un chalet au col de l'Echelle.

Le 3 janvier 1940, le 14e B. C. A. est appelé à rejoindre la région de Briançon où il doit relever le 12e B. C. A. Le mouvement des Thuiles sur la nouvelle zone de cantonnements s'effectue par route et grand froid en six étapes : Ubaye, Le Lauzet, Embrun, Saint-Crépin, Pont-de-Cervière. La surveillance de la frontière et l'exécution des travaux de fortification sont assurées avec une compagnie à Montgenèvre, une compagnie à Plampinet-Val-des-Prés et Sallé, 1e compagnie et P. C. à La Vachette.

Le bataillon semblait devoir se stabiliser dans les secteurs alpins que la plupart des cadres connaissent parfaitement mais, dès le 31 janvier, l'ordre arrive de passer les consignes de secteur au 82e B. A. F. et de se tenir prêt à embarquer à Briançon le 6 février pour Virieu-le Grand et Ceyzérieu où le bataillon s'installe dans les cantonnements de

Embarquement à Briançon.

cette zone dite « de rafraîchissement ». C'est qu'en effet le 14e B. C. A. est désigné pour faire partie de la Brigade de Haute Montagne commandée par le colonel Béthouart. Depuis le 15 janvier, l'envoi de ce corps expéditionnaire en Finlande est envisagé, aussi de profondes modifications à l'organisation des unités sont-elle apportées au cours de la période qui suit.

Préparatifs de départ

Le 14e B. C. A. reçoit une nouvelle organisation se rapprochant du type nord-est et perçoit des voiturettes et des roulantes ainsi qu'un volumineux équipement pour climat nordique. Un remaniement d'effectifs s'opère à la suite de visites médicales sévères et par élimination des pères de famille de 2 enfants. Le bataillon aura ainsi à remplacer à l'aide de renforts en personnel sélectionné un officier et 350 sous-officiers ou hommes de troupe. L'amalgame de ces renforts s'effectue rapidement en vue d'un départ proche et le bataillon se présente dans d'excellentes conditions à la prise d'armes du 28 février passée par le général commandant en chef et au cours de laquelle le colonel commandant le B. H. M. adresse aux chasseurs l'ordre général suivant :

« Officiers, sous-officiers, caporaux, clairons et chasseurs des 5e et 27e demi-brigades de chasseurs, Vous constituez désormais la brigade de haute montagne. Fière de votre passé, la brigade est sure de son avenir. J'ai conscience que la France, nos chefs et vos familles m'ont confié les meilleurs de leurs hommes et je place en vous une confiance absolue. .Je vous demande la vôtre et, forts de cette confiance mutuelle, nous formerons un bloc si solide que rien :

  • ni l'ennemi, ni l'ennui,
  • ni la faim, ni le froid,
  • ni les souffrances, ni l'éloignement

ne pourront l'entamer.

Et nous montrerons au Monde, à nos ennemis et à nos amis ce qu'est l'infanterie française, ce que sont des chasseurs français, ce que sont les français tout court qui, surs de leur droit, ne rentreront chez eux qu'après avoir mis leur pays, et leurs foyers définitivement à l'abri. Et, quand vous serez vieux et que vous raconterez à vos enfants et petits-enfants l'épopée que vous allez vivre, vous pourrez leur dire avec fierté: « J'y étais. »... »

Saint- Martin de Belleville. Match 6e - 14e B. C. A.

Le général Gamelin passe en revue la BHM. Le général déclare aux chasseurs qu'ils seront le noyau du corps expéditionnaire français. "... Aux dires du général Audet « les chasseurs défilent dans un très beau style » et le général Gamelin, fort satisfait de ce qu'il vient de voir, déclare simplement : « Belle troupe, n'est-ce pas ? » ..." La destination de la BHM est alors précisée : ce sera le petit port de Petsamo, au nord-ouest de Mourmansk.

Cependant, la cessation des hostilités entre la Russie et la Finlande fait abandonner le projet d'expédition et de secours à la nation finlandaise. Au cours de la deuxième quinzaine de mars, en même temps que l'instruction est poussée de façon intense, du flottement se fait sentir dans les opérations d'équipement et de mise sur pied matérielle du corps. Les événements ne tarderont pas à donner au bataillon un but d'expédition lointaine dans les mêmes régions. Le 9 avril l'armée allemande envahit le Danemark et la Norvège, occupant Oslo, Bergen et Narvik. Les chasseurs sont en alerte a partir du 3 avril, l'opération s'appelle "Avonmouth". Dès le 6 avril, les permissionnaires sont rappelés par télégramme et les préparatifs de départ pour une expédition nordique reprennent hâtivement.

 Le bataillon conserve malheureusement pour l'expédition de Norvège le type nord-est qui lui a été attribué alors que les conditions d'emploi, et de terrain ne seront plus du tout les mêmes que celles envisagées pour une campagne en Finlande. Le 9 avril 1940, le détachement précurseur de la division et la 5e demi-brigade quittent Belley pour l'Angleterre; notre tour suivra incessamment. Le bataillon reçoit l'ordre de départ en deux convois, un convoi lourd partant de Culoz le 13 avril, un convoi léger partant de Belley le 14 avril et comprenant le personnel et l'armement.

CAMPAGNE DE NORVÈGE

Le départ et la traversée

Le 14e B. C. A. quitte donc le cantonnement de Ceyzérieu après un séjour de plus de deux mois dans cette localité, séjour au cours duquel il a perfectionné son instruction et acquis une nouvelle cohésion rendue nécessaire par le renouvellement d'un tiers du personnel. Le transport en chemin de fer de Belley à Brest par Lyon, Gilly sur Loire, Saint-Pierre-des-Corps, Le Mans, s'effectue à travers les campagnes de nos provinces embellies par un temps printanier et chacun peut, avant de quitter la France, réfléchir à la splendeur de notre patrie et sentir intensément la valeur de ce que nous avons à défendre. Débarqué à Brest le 14 avril vers minuit, le bataillon cantonne à Daoulas et commence les préparatifs d'embarquement au port de Brest.

Le 18 avril les trois bateaux qui enlèvent la demi-brigade, Le Djenné, avec le coonel, l'état-major et le 6e B. C. A., le Paul-Doumer, avec le 14e B. C. A., et le Flandre, avec le 12e B. C. A., appareillent à partir de 19 heures et quittent les jetées de Brest, salués au passage par la musique des équipages de la flotte.

Le matériel immédiatement indispensable à la vie en campagne et au combat a été logé sur le bateau du personnel, décision heureuse, car le reste du matériel chargé avec beaucoup de fantaisie par la commission de port suivra en cargos comme il pourra et même certains matériels ne seront jamais récupérés au cours des opérations.

A bord la vie s'organise rapidement grâce au calme de la mer et à l'amabilité du personnel du bord; les dispositions de sécurité font l'objet de rassemblements quotidiens; une D. C. A. sérieuse complète l'armement du navire et un service de guet permanent assure la sécurité immédiate déjà impressionnante par le nombre de contre-torpilleurs qui escortent le convoi : 2 torpilleurs français: le Tartu. le Chevalier-Paul et 1 torpilleur anglais. Les contre-torpilleurs auront d'ailleurs à intervenir en mer d'Irlande contre un ou deux sous-marins signalés aux abords de notre route. Un jet énergique de grenades sous-marines secouant le bateau illustrera pour les terriens un bref combat livré par nos patrouilleurs avec l'aide d'un avion de la défense.

Embarquement à Brest sur le Paul Doumer

Le 20 avril, le bateau s'ancre pour la journée en rade de Greenock dans l'estuaire de la Clyde,

puis appareille à 22 heures convoyé par le Milan, le Gerfault, l'Albatros et le Fire Drake. Ces torpilleurs nous accompagneront jusqu'en Norvège. Les côtes d'Ecosse sont longées et dépassées dans la journée du 21 et trois jours passés en rade de Scapa Flow permettent l'arrivée de quelques nouvelles. On y apprend notamment que Namsos où opérait la 5e demi brigade va être évacué par les troupes alliées. Des préparatifs de transbordement sur des bateaux de faible tonnage capables d'aborder les côtes de Norvège par leurs propres moyens avaient été commencés. La décision d'évacuer Namsos influera sur la direction antérieurement prévue, et, à la suite d'une conférence présidée par l'amiral à bord de l'El Djezaïr, les trois bateaux de la demi-brigade sont dirigés vers le Grand Nord, ,région de Narvik. L'appareillage du Paul Doumer a lieu à 14 heures le 24 avril, après un séjour devant une cote désertique et rude qui paraît bien gardée contre l'aviation ennemie et aux abords de laquelle sont dispersés quantité de bateaux de guerre et de commerce. Quelques heures après le départ du bataillon,. des avions allemands ont effectué un raid sur Scapa Flow.

En mer, au large des Hébrides Dans la rade de Scapa Flow (23 avril 1940) En vue des cotes de Norvege Arrivee en Norvege

A partir du 2 mai, le bataillon est tenu prêt à s'engager dans les opérations en cours qui comportent en ce qui concerne la demi-brigade la progression nord-sud en direction de Narvik et en partant du fjord de Gratangen. Les forces alliées en Norvège comprendront au cours de la campagne :

  • la 1ere division légère de chasseurs sous le commandement du général Béthouart avec la 27e demi-brigade, la brigade polonaise, la 13 demi-brigade de marche de Légion étrangère à 2 bataillons, de l'artillerie et des services;

  • trois bataillons de troupes britanniques, sous les ordres du général Frazer.

Le commandant des forces alliées est le lieutenant-général de l'armée britannique Mackezie, puis le lieutenant-général Auchinleck. L'amiral de la flotte, lord Corck and Arrery, commande en chef.

Les troupes norvégiennes sous le commandement du général Fleisher comprennent 4 à 5 bataillons.

Les troupes allemandes opposées. aux troupes alliées étaient :

  • le 139 régiment de chasseurs de montagne à 3 bataillons de 5 compagnies;

  • un millier de marins dont un tiers gradés et provenant des bateaux coulés.

Ils constituaient :

  • trois petits bataillons;

  • une batterie de montagne;

  • une batterie de D. C. A.

Ces troupes d'élite disposaient en défensive d'organisations et d'approvisionnements mis en place depuis longtemps.

La conquête des cols.

Le 4 mai, à 18 heures, la 1ere compagnie (compagnie Lescot) et une S. M. sont dirigées sur le port de Stromnes et reçoit pour mission de prendre le contact avec l'ennemi par relève de la compagnie Lalande du 6e B. C. A. dans la région au sud de la cote 244.

Le reste du bataillon suivra le 5 mai afin de relever entièrement le 6e B. C. A., la 3e compagnie (compagnie Tatin) et 2 SM (lieutenant Vuillard et adjudant-chef Taureil) dans la vallée du Labergdalen, la S. E S. (sous-lieutenant Delage), la 2e compagnie (lieutenant Morel) et le reste de la C. A. (capitaine Bumat) dans la région cote 244. La jonction des deux colonnes doit s'effectuer dans la région des lacs Storvand au cours de la progression vers le sud. Les 5 et 6 mai le contact est conservé par des patrouilles incessantes, l'ennemi marque une grosse activité aérienne avec des avions volant très bas et mitraillant les emplacements supposés, en particulier ceux de la batterie d'artillerie du 10e colonial qu'il recherche. Le bataillon a éprouvé ses premières pertes par bombes d'avion le 5 mai avec 2 tués et 4 blessés.

Ordre de reprendre la progression vers le sud est donné par le colonel le 7 mai avec, pour le bataillon, mission en direction des lacs Osvand et Storvand, puis, axe col 333, croupes 409 et 416, en liaison à l'est avec les Norvégiens.

La progression commence, rendue extrêmement penible par l'enneigement évalué à 1,50 m en terrain plat, par les défenses d'un ennemi bien installé dans des tranchées de neige et disposant de nombreuses armes automatiques largement approvisionnées en munitions.

La 2e compagnie en premier échelon à l'est du dispositif commence le mouvement le 7 vers 6 heures et progresse jusqu'à la rive nord du lac de Reisevand où elle est arrêtée par de violents tirs de mitrailleuses.

Elle s'installe sur la position conquise et repousse une contre-attaque ennemie. Le sous-lieutenant Martha et 5 chasseurs sont blessés en cours de journée. La 3e compagnie et les 2 S. M. ont ordre de rejoindre la rive nord des lacs et de laisser une section à l'occupation de 694, massif dans lequel des éléments isolés ennemis tiennent encore.

La progression de ces unités s'effectue avec matériel à dos dans les conditions les plus pénibles en neige profonde. La S.E.S. réalise l'exploit d'occuper la cote 1013, menaçant ainsi déjà les arrières dé la position de résistance ennemie située sur la ligne des cols. La progression continue le 8 mai jusqu'aux pentes à l'ouest du lac Osvand; le lieutenant Rey de la 2e compagnie et 3 chasseurs sont blessés en cours de progression. . Le 9 mai, le bataillon se trouve au contact d'une ligne de résistance, très solidement tenue par l'ennemi qui dispose en outre d'une supériorité d'aviation incontestable. Un mouvement tournant du dispositif ennemi est tenté, en profitant de la position tenue par la S. E. S. à la cote 1013. Un groupement de skieurs sous les ordres du capitaine Tatin et du lieutenant Guérin est constitué avec les groupes d'éclaireurs de compagnies et une section de raquettistes dle la 1e compagnie; sa mission est de déborder par l'ouest la ligne de résistance et de menacer les arrières du col 333. Oe détachement s'installe à la cote 1013 du 9 au 12 mai dans un enneigement considérable et vivra au cours de ces trois jours dans des conditions matérielles à peine supportables; le mauvais temps et la tourmente y sévissent avec une température avoisinant - 22°, les difficultés de transport sont telles pour amener le ravitaillement de la vallée que les hommes sont restés avec seulement quelques biscuits et boîtes de conserve pendant ce séjour.

Transport de troupe en Norvège

Bjerkvik

Bombardement de Bjervik (13 mai 1940).

Des renseignements extrêmement précieux ont été recueillis sur les mouvements de l'ennemi au cours de cette période, mais le détachement ne peut déboucher en raison d'une barre rocheuse qui interdit l'accès de la région en arrière de 333. De plus, la partie descendante se présente en glacis exposé à tous les feux de l'ennemi.

La S. E. S. restera seule à la garde de 1013 et le détachement de skieurs rejoint le bataillon dans la région des lacs le 12 mai pour participer sans répit aux opérations en cours.

L'engagement du bataillon en direction des rives sud des lacs est repris avec appui d'artillerie sérieux le 10 mai. L'ennemi tient fortement les lacs et le pied des pentes à l'est de 1013. Il dispose de nombreux minen et ses eléments, tenaces, occupant des positions remarquables pour les tirs en flanquement ne céderont le terrain que pied à pied lorsque chaque résistance sera à la fois menacée de débordement et prise à partie par notre artillerie ou les 81 du bataillon. La section d'engins de la C. A. etait commandée par le lieutenant Gillet; le personnel de sa section obligé d'assurer le ravitaillement à dos d'homme avec de la neige parfois jusqu'au ventre a réussi à infliger des pertes considérables à l'ennemi en complétant au mieux l'action de l'artillerie. Ces actions locales de compagnies liées à l'échelon bataillon par l'action des mitrailleuses, des mortiers et de l'artillerie dureront toutes les journées des 10, 11 et 12 mai, en liaison à l'est avec la progression des Norvégiens et celle du 6e B. C. A., mais le bataillon nettement plus avancé est en butte au maximum de réactions ennemies.

Bataille de Bjervik

Au cours de cette période, sont à signaler la progression de la 1re compagnie jusque dans l'isthme du lac Storvand où elle réussit à capturer un important matériel, la brillante attaque de la 2e compagnie qui enlève en un assaut irrésistible la croupe de la haie au pied de 1013, menaçant ainsi les arrières du col 333. L'ennemi par un, coup de main le 11 mai, à 4 h. 30, tente de reprendre cette crête sur laquelle les chasseurs creusaient sans répit des tranchées dans la neige pour s'accrocher au terrain. L'ennemi échoue devant les rafales de nos fusils-mitrailleurs. C'est là que tombe le sergent-chef Mai. Un tireur ayant été tué, le sergent-chef Mai prit lui-même son arme et fut mitraillé à bout portant. Un troisième tireur réussit toutefois à enrayer la contre-attaque et la position fut maintenue inviolée.

De nombreuses atteintes du froid et de l'humidité dues au séjour constant dans la neige fondante se font sentir et affectent les effectifs de façon considérable, il y a quantité de pieds gelés et d'ophtalmies. Néanmoins il faut continuer à attaquer. Après un léger répit le 12, le bataillon reçoit ordre d'effectuer, le lendemain 13 mai, son effort principal pour enlever la ligne de résistance : col 333, croupes 409 et 416. L'attaque du 14e B. C. A. est combinée avec le débarquement de vive force effectué par la 13e demi-brigade de marche de la Légion étrangère. La 13e demi-brigade, après une préparation par l'artillerie de la marine britannique, doit débarquer à Bjervik-Médy avec deux bataillons et un bataillon (le 1er) doit se porter en direction du 14e B. C. A., liaison à assurer entre les deux unités vers Skoglund, sur le torrent Tverelvek.

L'attaque du 14e B. C. A. s'effectue le 13 au matin avec deux compagnies, la 3e compagnie qui, à l'ouest, a relevé la 2e compagnie à bout de forces, et la 1e compagnie à l'est dans la région des lacs. Seule la 3e compagnie peut progresser, malgré de fortes pertes par mitrailleuses et des tirs ajustés de minen. Cette attaque est reprise à nouveau à 18 h. 30 après une forte préparation des batterie d'artillerie. La 1re compagnie occupe le col 333 à 20 h 15 et poursuivant son mouvement, pousse des sections sur les croupes  409 et 416, ainsi que sur Ornfj, tenu provisoirement par la section Merceron-Vicat, en attendant l'arrivée du 6e B. C. A. sur ce dernier objectif. L'ennemi laisse des chevaux, un important matériel, des munitions, des équipements, des cadavres sur cette position qui représentait sa ligne principale de résistance et dont il a défendu les abords depuis sept jours avec acharnement.

La descente sur Bjervik

La conquête de cet objectif, et l'avance de la Légion à la rencontre du 14e B. C. A. donnent au bataillon fortement éprouvé et épuisé de fatigue confiance dans son ascendant sur l'ennemi et quelques humanistes apercevant du haut de 409 le bleu de la mer, le fjord de Bjervik, se mettent à pousser le cri de « Thalassa, Thalassa » avec tous les espoirs que ce mot renferme, espoirs en un terrain meilleur, dégarni de neige et en un repos bien gagné. En attendant, il faut s'installer défensivement contre toute éventualité et lancer des patrouilles à la recherche de la liaison avec la Légion. Cette liaison est effective seulement le 14 mai. à 13 h. 45, effectuée par la 3e compagnie. Un salut respectueux adressé par le Commandant du 14e B. C. A. au colonel Magrin-Verneret et transmis immédiatement par skieur, consacre la liaison de combat entre les deux unités. Le 1er bataillon de Légion pousse en direction du lac Hartvigvand ou il mettra la main sur plusieurs avions ennemis utilisant le lac gelé pour l'atterissage. Derrière les patrouilles, les unités du bataillon descendent en longeant la route jusqu'à BjervÏk; la région a été nettoyée par la Légion, mais la route est minée et nécessitera de la section de pionniers de demi brigade un long travail de déminage. Malheureusement ce jour là les mines auront causé la mort du sergent-chef Tiaon et la destruction d'un char, de plus, elles interdisent aux équipages du bataillon le débouché immédiat du col. Cette situation augmente encore les difficultés de ravitaillement dejà considérables en raison de l'impossibilité d'utiliser le port le plus proche, le fond du fjord de Gratangen étant encore gelé.

Le bataillon gagne Bjervik le 14 mai et en raison des bombardements aériens, se disperse entre l'ancien camp militaire d'Elvegaarden et Troldviken. L'arrivée au camp a lieu le 15 à 1 heure du matin pour un repos bien gagné, mais qui sera de courte durée.

L'après-midi même du 15 mai, le chef de corps convoqué à Bjervik par le chef d'état-major de la division reçoit ordre de se porter dans la presqu'île d'Oyord, d'y relever le 2e bataillon de la Légion polonaise et d'assurer la défense face à l'est et face à la côte de Narvik. Le départ des cantonnements s'effectue à partir de 22 heures et est terminé le 16 à 5 heures. Dans la presqu'île la température change complètement, la neige a presque complètement disparu et l'occupation de la position pourrait être une détente et permettre aux chasseurs de remettre en état leurs pieds, qui sont gonflés et dans un état lamentable a la suite du séjour prolongé dans la neige. L'effet de l'humidité est tel qu'il n'est pas rare de ne pouvoir remettre ses chaussures si l'on a l'imprudence de se déchausser pour dormir. Les 16 et 17 mai, occupation de la presqu'île, l'ennemi est peu actif, sauf son aviation qui bombarde sans cesse les ports de Bjervik et d'Oyord et s'en prend très spécialement aux P.C. qu'elle peut repérer. L'infirmerie de Bjervik notamment sera détruite par bombes au cours de cette période et 2 chasseurs du 14. B. C. A y trouveront la mort.

L'occupation du massif de Daltin et du plateau d'Aasen. Bataille de Narvik.

Le 14e B. C. A. depuis le 4 mai semble être à bout de souffle et un repos de quelques jours serait absolument nécessaire pour reconstituer les unités. Mais l'attaque de vive force projetée sur Narvik approche, il importe de libérer pour l'effort principal le maximum de troupes fraiches ; par ailleurs, aucun renfort ne peut plus être espéré venant de France où de graves événements se précipitent. Le Commandement fait encore appel au 14e B. C. A. pour repartir, traverser la montagne et poursuivre les attaques vers l'est le long de la rive nord du Rombakenfjord dépassant largement sur cette rive les défenses de Narvik et de la voie ferree. La configuration du terrain vient ajouter aux difficultés. Le passage le long de la côte est interdit par une succession de falaises rocheuses infranchissables, le passage par Daltin et la haute montagne enneigée est inévitable et tous les transports se feront encore à dos d'homme. Le 14e B. C. A. entre dans la constitution d'un groupement temporaire commandé par le colonel commandant la 13e demi-brigade de Légion. La progression se fera lente, méthodique, retardée deux jours par un brouillard épais, mais les 3e et 2e compagnies flanc-gardées par la S. E. S., les sections de mitrailleuses du lieutenant Bourboulon, de l'adjudant chef Taureil, le groupe d'engins du lieutenant Gillet franchiront quand même l'obstacle pour occuper le 20 mai tous les objectifs assignés. Au cours de cette période, certains ravitaillements exigeaient de la part des porteurs 14 heures de marche aller et retour dans une montagne chaotique et survolée par l'aviation adverse. Notre base de ravitaillement était à Bjervik avec dépôt avancé à Seines. Quelques jours apres, le colonel commandant la 13e demi-brigade, dans une lettre adressée au chef de corps, reconnaîtra en ces termes l'effort fourni par le bataillon :

Mon cher Camarade, Les événements précipités de ces derniers jours ne m'ont pas permis de vous remercier, vous, vos officiers, vos cadres et vos chasseurs de votre collaboration efficace. Vous avez progressé dans un terrain impossible vers 332, installé une base à Lillberget et par là grandement contribué à fixer l'ennemi et à le distraire du terrain d'opération du Sud. J'ai vu moi-même vos chasseurs monter avec des chaussons ou même se faire porter. Je sais quel effort et quel sacrifice votre action représente. La Légion vous en remercie. Ce souvenir de combat ne fait que renforcer les liens qu'avait créés notre première liaison avec les chasseurs de la 1ere division légère et précisément avec votre bataillon. Veuillez agréer, mon cher Camarade, pour vous, vos officiers, vos cadres, et vos chasseurs l'expression des sentiments de fraternité d'armes de la Légion.

Le 22 mai, le dispositif du bataillon est réalisé face à l'est; la 3e compagnie occupe les lignes de crête qui dominent les lacs de St-Trolvand. Elle est en liaison à vue avec l'armée norvégienne au Cirkelvand. Les quelques éléments de la Légion s'amenuisent de plus en plus, réclamés pour l'opération de Narvik et la 3e compagnie aura à assurer, isolée, une surveillance constante face à l'est et face au nord. La 2e compagnie occupe le mouvement de terrain d'Aasen, la naissance des ravins qui descendent vers le fjord et, à la cote 301, tient une ligne très avancée où la plus grande vigilance s'impose. La 1re compagnie occupe le bord du fjord dans la région de la cote 32 et du ravin de Storelven et aura à maintenir le contact avec un ennemi très mordant. A la 1re compagnie, la section Pont, notamment, prise dans une embuscade tendue par l'ennemi le 25 mai, se dégage par un combat corps a corps au cours duquel le sergent-chef Pichiottino et ses chasseurs abattent dans un bois plusieurs ennemis.

Dans cette même région, l'adversaire établit des dispositifs de mines sur les terrains où il suppose que nos patrouilles vont opérer. C'est ainsi que la S. E. S. le 26 mai paie un lourd tribut à cette arme terrible et sournoise qui lui coûte 4 tués et 5 blessés. Les mitrailleuses et les engins sont répartis entre les différentes compagnies, leurs tirs incessants harcèlent l'ennemi et assurent l'inviolabilité des positions constamment améliorées. Au cours de cette période, l'activité aérienne ne se ralentit pas; à la faveur de la pénombre, en général entre 23 heures et 2 heures, les ravitaillements ennemis s'effectuent régulièrement, paquets lancés par parachutes, renforcement des lignes par parachutistes... Aux avions de reconnaissance succèdent les avions de bombardement qui volant très bas détruisent les maisons une par une, mais ont heureusement moins de précision sur le port de Lilleberg par lequel transitent tous les ravitaillements et se fout les liaisons et les évacuations. Un combat aérien bref et brutal se livre le 26 mai, les avant-postes ont la satisfaction de voir tomber dans le fjord, un bimoteur allemand poursuivi par 2 chasseurs anglais. Une ligne téléphonique longeant la côte a été réalisée par un véritable tour de force des transmissions de la demi-brigade et du bataillon (lieutenant Hérault) à travers rochers et à pics et relie les deux P. C. de la demi-brigade à Lindstrand et du 14e B. C. A. dans le ravin de Elvekokoden.

Le 24 mai, nos avant-postes et le poste d'observation du bataillon (sergent Courtin) signalent des renforcements constants et des mouvements de troupe vers le pédoncule presqu'île de Stromnen. Ces renforcements dureront les jours suivants. Le 27 mai, veille de l'attaque générale de Narvik, les opérations locales menées avec activité par les 2e et 3e compagnies en liaison avec l'armée norvégienne (colonel Dalh) ont porté nos lignes tout contre les falaises des massifs du Haugfjeldet et du Sansmofj. L'attaque de cet important bastion de la défense ennemie ne peut être entreprise qu'avec de gros moyens d'artillerie et une manœuvre tendant à couper l'ennemi de la frontière suédoise. La mission offensive du 14e B. C. A. est terminée pour le moment. Largement avancé sur la rive du Rombakenfjord il couvre au nord les attaques de la Légion et des Polonais sur lesquelles se concentre l'intérêt.

Le 28 mai, à partir de 0 heure, le bataillon assiste à la formidable préparation d'artillerie de la marine britannique; bientôt la ville et le port de Narvik sont en feu, les défenses de l'ennemi habilement dissimulées dans les tunnels de la voie ferrée sont prises d'enfilade par les canons des destroyers. La préparation est impressionnante et menée avec précision. Un incident qui aurait pu être tragique cause seulement quelque émotion à notre section de ravitaillement du port de Lilleberg qui est soumise par erreur au feu d'un destroyer anglais. S'apercevant rapidement de sa méprise, le destroyer détache une chaloupe et un officier vient auprès du médecin s'enquérir avec flegme du nombre de tués et blessés. Le bilan est nul heureusement et l'Anglais après avoir présenté ses excuses repart tout content s'occuper ailleurs d'un tir plus justifié. La supériorité de l'air est assurée pour le temps de l'attaque par les sorties de Hurricans, ces chasseurs anglais et australiens qui disposaient de terrains artificiellement nivelés à l'aide de couches superposées de grillage, de tapis brosse et de terre.

L'attaque de la Légion se déclenche, les petits bateaux blindés, les transports divers font une navette incessante entre Oyord et Narvik; la progression de la Légion au delà de Narvik s'affirme et se poursuit. C'est au cours de cette journée du 28 que le bataillon apprendra la mort du commandant Paris, chef d'état-major de la 1re division légère de chasseurs, tué d'une balle au front. Le commandant Paris était venu personnellement plusieurs fois prendre contact avec le bataillon en cours d'opération et sa mort a été ressentie profondément par les cadres du 14e. Pendant la période du 29 mai au 2 juin, le bataillon reste sur ses positions qu'il tient solidement, bien que dispersé sur un arc de cercle dont le rayon atteint 6 kilomètres. Les réserves disponibles s'amenuisent mais l'ennemi est suffisamment tenu en respect devant notre front et, occupé devant Narvik, il ne tente aucune contre-attaque. Le pédoncule de Stromnen est occupé par la Légion le 31 mai et un bataillon poursuivra en direction de l'est jusqu'à Silvik...

Le départ de Norvège

Cependant, les ordres de départ arrivent le 2 juin. Les événements de France imposent l'abandon des opérations en Norvège. La nouvelle, tenue secrète, ne sera divulguée aux Norvégiens qui doivent relever le bataillon qu'au tout dernier moment. Le bataillon doit se regrouper dans la région de Liland (baie de Bogen) pour être embarqué ultérieurement. Le commandant du 14e B. C. A, désigne les deux compagnies, la 1re et la 2e (capitaine Lescot et lieutenant Morel), la S. M. (celle du lieutenant Bourboulon) et le groupe d'engins qui auront l'honneur de protéger le décrochage général du corps expéditionnaire de Norvège, action combinée avec détachements d'arrière garde également du côté de Narvik. Le lieutenant Hérault, officier de renseignements et de transmissions, reste pour assurer la liaison avec la 27e demi-brigade et la division.

Le départ de la région de Lilleberg des autres éléments du bataillon s'effectue en deux détachements le 2 juin. Un premier détachement (le P. C. du bataillon, la S. E. S., 3 S. M. de la C. A., le poste de secours) quitte le port de Lilleberg à partir de 18 heures, sur chalutiers norvégiens et se rassemble dans les bois de la cote 145 (presqu'île d'Oyord) en attendant l'embarquement en camions sur Liland. Un deuxième détachement, la 3e compagnie rejoint Seines par voie de terre et refait en sens inverse le dur trajet par la montagne de Daltin. Le regroupement du bataillon est réalisé à Liland le 5 au matin. Les mulets, les camionnettes, avec le matériel lourd du bataillon ont déjà gagné par étapes Harstad pour embarquer à quai.

L'embarquement du détachement a lieu à Liland le 6 juin, à 19 h. 30. Effectifs: 12 officiers, 46 sous-officiers, 334 hommes de troupe. Le matériel autorisé est limité aux sacs individuels, à l'armement, aux munitions et à cinq jours de vivres; pas de bagages à mains, afin d'avoir les mains libres pour passer d'un bateau à l'autre. Le surplus de matériel a été dirigé sur Harstad et quelques approvisionnements et munitions sont détruits sur place avant le départ. Une brève cérémonie a lieu par compagnie avant de quitter la terre norvégienne; l'appel des morts réalise la synthèse des efforts exceptionnels fournis par le 14e B. C. A. au tours de cette campagne victorieuse. Avec tristesse, nous devons confier à l'armée norvégienne la garde des tombes à peine refermées de ceux qui, tombés pour la France, auraient droit de reposer en terre française.

Dix bateaux à moteur norvégiens enlèvent le détachement pour un court trajet vers le torpilleur anglais X-79 (Pire Drake) charge de l'amener dans la région des Lofoten sur le paquebot Ormonde. La traversée s'effectue entre 21 heures et 3 heures dans les eaux calmes des fjords et par un soleil qui, ne descend plus au-dessous de l'horizon. Les 1re et 2e compagnies laissées en couverture de l'embarquement général dans la région de Lilleberg sont relevées par les Norvégiens et rejoindront en pleine mer sur la Duchesse d'York le convoi de bateaux le 9 juin. Le décrochage de la région de Lilleberg s'effectue dans de bonnes conditions. L'ennemi, trompé par notre attitude offensive et affaibli par les pertes infligées au cours de la bataille de Narvik, ne réagit pas au moment de l'embarquement. Cet état de fatigue et d'usure de l'ennemi a été confirmé par la suite. Montent à bord avec les 1re et 2e compagnies le personnel de la section d'artillerie détaché à Lilleberg et qui a dû faire sauter ses pièces après avoir tiré jusqu'au dernier moment. La batterie était commandée par le lieutenant Duhamel qui a constamment appuyé le 14e B. C. A. de la façon la plus efficace au cours des. opérations.

Sur l'Ormonde, courrier de l'Orient-Line-Londres-Australie, montent avec le 14e B. C. A. le colonel Valentini, commandant la 27e demi-brigade, son état-major et des éléments divers : un état-major et un bataillon polonais, le personnel de la base de Ballangen, ainsi que des artilleurs. Le convoi de bateaux très fortement encadré par des navires de guerre (on compte jusqu'à 18 navires de protection dont un cuirassé et le porte-avions Ark-Royal) se dirige d'abord vers les côtes d'Islande, puis pique sur les îles Féroë, les Hébrides, pour arriver le 12 juin à 23 heures devant Greenock. La traversée aura été marquée par deux alertes aux avions, éclaboussures de combats livrés en mer du Nord le 8 juin entre un détachement de la Home Fleet et une force allemande comprenant 2 cuirassés dont le Scharnhorst et plusieurs croiseurs. On apprendra plus tard qu'au cours de ce combat naval furent coulés le porte-avions Glorious, 2 destroyers, un pétrolier et l'Okama : ce dernier bateau était, dans le plan primitif, destiné à embarquer les 1re et 2e compagnies de décrochage. Des navires de guerre anglais après la bataille ont rejoint notre convoi, c'est ce qui explique la densité et la qualité imposantes de notre protection.

Le 11 juin, les Allemands annoncent a la radio la reprise de Narvik. Le 13 juin, le bataillon quitte l'Onnonde sur lequel il a reçu de la part des Anglais la plus correcte hospitalité et embarque sur l'Ulster Prince. Un nouveau convoi de 4 bateaux appareille le 14 juin à 23 heures vers les côtes de France, protégé par 4 torpilleurs anglais, dont le D-76 et le D-78. Le 15 juin, à 16 heures, le convoi passe au large de Liverpool; à 19 heures, devant le canal de Bristol et il subit une alerte de sous marins en cours d'après-midi.

Le séjour en Bretagne

Le bateau sur lequel ont pris place les éléments de décrochage, C. H. R., 1re et 2e compagnies, S. M. et engins (Duchesse-d'York) est envoyé directement a Brest sans arrêt notable en Angleterre et ces éléments débarquent le 14 juin. Dès leur débarquement, ils reçoivent des ordres directs de l'état-major de la divi-sion. Orientés le 15 juin sur Chateaubourg, puis Courceuil, ils ont, à la suite de cette rupture de liens tactiques, échappé constamment au commandement de leur chef de corps pendant toute la période qui a suivi. La portion principale du bataillon, sur l'Ulster-Prince, se présente le 16 juin au large de Brest, mais l'entrée du port miné lui est interdite et le bateau est dérouté d'abord sur Quiberon, puis sur Lorient où il arrive à 17 heures aux effectifs de : 12 officiers, 46 sous-officiers, 334 hommes de troupe. Des convoyeurs d'animaux Vulcain et Maurice-Préjac mais ne debarqueront pas en France et aboutiront au Maroc. Le 14e B. C. A. cantonne la nuit du 16 juin à Lorient, caserne Fréaux, le 12e B.C. A. et l'état-major de la demi-brigade sont logés dans une autre caserne en ville. Le premier contact avec la terre de France est assombri par l'annonce des événements particulièrement graves qui se déroulent dans notre malheureux pays. Cependant les ordres reçus le 17 semblent laisser espérer que tout n'est pas abandonné et que le Commandement compte sur la demi-brigade pour assurer la défense de la Bretagne. Un regroupement est nécessaire pour remettre de l'ordre dans les unités, récupérer le matériel de combat indispensable qui suit dans les cargos. Ce délai de quelques jours ne nous sera pas laissé par l'ennemi dont la pression s'accentue d'autant plus rapide et brutale qu'il ne rencontre pas de résistance devant lui, depuis la Seine.

Conformément aux ordres donnés, le 14e B. C. A., le 12e B. C. A. et l'etat-major de la 27e demi-brigade quittent Lorient en chemin de fer à 22h 30 et débarquent à Dinan le 18, à 11 heures. A peine une installation en formation gardée est-elle réalisée qu'arrive à 13 heures l'ordre de reprendre le train qui vient d'être quitté et de revenir à Brest. Ce mouvement de reflux se justifie par l'approche d'éléments motorisés ennemis signalés a Combourg. De fait, les derniers trains qui pourront passer et emmenant notamment les éléments des lre et 2e compagnies, seront obligés de doubler les convois allemands et de traverser des gares déjà occupées par l'ennemi. L'arrivée à Brest a lieu le même jour, 18 juin, vers 22 heures, à la gare maritime pour la portion principale du bataillon. Le port de Brest est abandonné; la Légion, les Polonais, le personnel de l'arsenal, etc., s'embarquent précipitamment dans les quelques bateaux qui se trouvent encore à quai. Les réservoirs de pétrole et mazout sont en flammes; des avions allemands survolent le port à basse altitude. Le colonel commandant la 27e demi-brigade, qui avait devancé la troupe, donne l'ordre à l'état-major, à la compagnie d'engins et au 12e B. C. A. d'embarquer sur un bateau de faible tonnage qui se trouve a proximité de la gare maritime. Ce bateau ne pourra d'ailleurs contenir tout le monde. Le colonel fait dire au commandant du 14e B. C. A. qu'il n'a pas été possible de trouver un bateau pour embarquer son bataillon et lui transmet les ordres suivants :

S'efforcer de trouver un bateau disponible pour y embarquer les éléments venant de Dinan; dans le cas où un bateau ne pourrait être trouvé, toute initiative est laissée au commandant du 14e B. C. A. de dégager, comme il l'a demandé, son bataillon vers le Sud et au dela de Brest, dont la défense ne paraît pas être envisagée.

Des reconnaissances envoyées à l'Amirauté et sur les quais trouver un bateau disponible ne donnent aucun résultat. D'autre l'ordre officiel de la place de Brest arrive, prescrivant aux unités rendre à la caserne pour y être désarmées... Dans ces conditions, il ne reste plus qu'à se dégager vers le Sud, en direction de Quimper et de Concarneau, en utilisant les camions ou camionnettes abandonnés sur les quais par les Anglais et les Polonais. Le mouvement vers le port de Concarneau s'effectue le 19, de 1 heure à 5 heures. Malheureusement les unités, séparées du chef de corps et en cours de débarquement a la gare normale, ne pourront être prévenues a temps; la ler compagnie, sauf quelques isolés, et une grande partie de la 2 compagnie seront faites prisonnières en cours de journée. A Concarneau l'embarquement a lieu sur petits bateaux de pêche pouvant contenir suivant catégorie 40 à 50 hommes; des éléments de la 27e demi-brigade ainsi que des isolés d'autres corps sont ainsi embarqués par petits paquets. Le point de destination convenu, d'entente avec le directeur du port de Concarneau était La Pallice-La Rochelle où le bataillon devait se regrouper. Le chef de corps embarque personnellement avec le lieutenant Fabriès, officier de détails, le fanion du bataillon, la caisse et une partie de la C. H. R. le 19, à 9 heures.

Dans la soirée, au passage devant La Pallice, les bateaux n'obtiennent pas l'autorisation d'accoster et reprennent la mer: le port est en flammes et en cours d'évacuation. Finalement les éléments du bataillon débarqueront dans la région Royan-Le Verdon, Arcachon et Bayonne, et le regroupement aura lieu à partir du 22 juin (3e compagnie amenée presque au complet par le lieutenant Duployé et le lieutenant Guérin, la C. H. R. et quelques isolés de la C. A.).

Le regroupement dans le Sud-Ouest

Au camp de Souge, le commandant Piatte, chef d'état-major de la division, agissant au nom du chef d'état-major général, confie au commandant du 14e B. C. A. la mission de regrouper non seulement les éléments de ce bataillon, mais également tous les éléments chasseurs ayant appartenu au corps expéditionnaire de Norvège (isolés des 2e, 5e, 24e et 27e demi-brigade). Cette réorganisation est rapidement réalisée, les armes et munitions de complément nécessaires sont perçues et le bataillon est pr'êt éventuellement à remplir une mission que le Commandement pourrait lui confier. Complété encore à Bayonne, le bataillon est motorisé et constitué dans le cadre du groupement P, à 3 compagnies.

Mais les événements se précipitent. L'entrée en vigueur de l'armistice trouve le 14e B. C. A. regroupé à Bayonne; l'urgence d'évacuer une, zone qui, suivant les conventions, va être occupée par l'ennemi, l'oblige a se rendre à Gelos (environs de Pau), ou il terminera sa carrière en recréant sous l'égide de son fanion un foyer provisoire aux éléments isolés des bataillons de chasseurs repliés dans la région et dont la plupart, après avoir compté dans les effectifs du corps expéditionnaire de Norvège, se sont battus en Picardie et en Seine-Inférieure. Tous retrouveront au cours de cette période, avec les traditions « chasseur », un foyer et un centre d'accueil où seront réglées les questions matérielles les concernant. Les opérations de démobilisation entreprises au cours du mois de juillet réduisent le bataillon à son seul personnel d'active qui rejoint la région des Alpes au début d'aout. Les éléments du 14e B. C. A. appartenant aux 1re et 2e compagnies qui avaient pu s'échapper de Brest les 19 et 20 juin et rejoindre l'Angleterre, suivant le sort des 6e et 12e B. C. A., sont ramenés en France par le Maroc sous les ordres du lieutenant Gillet. Débarqués à Casablanca le 10 juillet, puis dirigés sur Meknès, ces éléments s'embarquent à Oran le 21 juillet pour arriver finalement à Grenoble. Le 14e B. C. A. est dissous administrativement à la date du 31 juillet et, son fanion est déposé à la salle d'honneur du 6e B. C. A. et confié à la garde de ce bataillon.

Au cours de cette guerre, le 14e B. C. A. a toujours rempli les missions que le Commandement lui avait confiées. Ceux qui ont eu l'honneur de servir sous son fanion se sont consacrés de toutes leurs forces à maintenir intactes les traditions du 14e et ont eu la satisfaction de pouvoir ajouter, au cours de la courte et dure campagne de Norvège, une Citation a l'ordre de l'Armee à celles déjà conquises pur leurs anciens au cours de la guerre 1914-1918.

Fanion de la S.E.S.

Organigramme

 

 

Grade

Nom

Prise de commandement

Chef de corps

Capitaine puis

Chef de bataillon

De LA ROQUE

?

Adjudant-Major

Capitaine

GIRY

?

Capitaine

GRIZARD

    .01.1940

1e Compagnie

Capitaine

LESCOT

?

Capitaine

MERCHEZ

?

2e Compagnie

Capitaine

DUVERNAY

?

Lieutenant

MOREL

13.03.1940

Capitaine

TANNANT

?

3e Compagnie

Capitaine

LARGILLIER

?

Capitaine

TATIN

16.03.1940

C. A.

Lieutenant

puis Capitaine

BUMAT

?

C. H. R.

Capitaine

GELPY

?

Lieutenant

?

?

S. E. S.

Sous-Lieutenant

DELAGE H.

?

 

Pertes

Tombes des caopraux et sergents  Duclaux (caporal), Desirat (sergent) et Rochard (caporal) du 14e B. C. A. tous les 3 membres de la SES inhumes a Lilleberg.

Citations

Promotions dans la Légion d'honneur

Au grade d'officier

Chef de bataillon DE LA ROQUE

 

Au grade de chevalier

MOREL (Léopold), lieutenant

REY (Albert), lieutenant

Décoré de la Médaille militaire à titre posthume

MAI (André), sergent-chef

Citations à l'ordre de l'armée

TATIN (Jean), capitaine

DELAGE (Henri), sous-lieutenant

GUÉRIN (Jean), sous-lieutenant

GABRIELLI (Raymond),sous-lieutenant

MARTHA (.Jean) , sous-lieutenant

THOMASSON (Léon), sergent

TIRAN (Albert), sergent-chef

CONSTANS (Benjamin), sergent

ANSOUD (Joseph), 2e classe

RINGUET (Abel), caporal

Citations à l'ordre de la division.

TAPISSIER (Henri), caporal

PICCHIOTTINO (Pierre), sergent-chef

ROTH LE GENTIL (Philippe), sergent

TRANCHANT (Ulysse), 2° classe

GIRY (Léonce), sergent

MURE (Jean), 2e classe

POURVIS (Paul), 2° classe

AULAGNIER (Régis), 2e classe

DUMONCEAU (Martial), caporal

GRALL (Paul), sergent

PERRIN (Ernest), sergent

BOUlX (Emile), caporal

BOREL (Augustin), sergent-chef

ROCHARD (Joseph), 2e classe

VENTURA (Jean), caporal

MARCHAND (Léon), 2e classe

DEMANGE (René), sergent

PERRET (Marcel), sergent

DUMOND (André), médecin lieutenant

BUMAT (René), capitaine

BOURBOULON (Jean), lieutenant

MATHIEUX (Pierre), lieutenant

GRIZARD (Gabriel), capitaine

LESCOT (Félix), capitaine

LAUZIER (Joseph), 2e classe

GILLET (Noël), lieutenant

ARMANDO (Gaston), 2e classe

NOËL (Joseph), lieutenant

GELPI (Edouard), capitaine

HÉRAULT Marcel, lieutenant

 

Des citations à l'ordre de la brigade et de la demi-brigade ont, en outre, été attribuées pour faits de guerre a plusieurs autres officiers, gradés ou chasseurs du 14e B.C.A.

 

Fanion

Le fanion du bataillon est présenté le 6 septembre 1939 au 14e BCA. A la dissolution du bataillon, le fanion du 14e BCA est confié à la garde du 6e BCA.

Refrain

« La peau de mes roulettes pour une casquette !

La peau de mes rouleaux pour un shako! ».

Références

JMO et SHAT

 

 

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Révision : 06 juin 2008

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