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L'Alerte d'Avril 1939
C'est le 12 avril l939 que la 1e compagnie du 72e B. A. F. (commandée par
le lieutenant Pellegrin), futur noyau du 82e B. A. F., est montée en
secteur. Alertée à midi, elle quittait la caserne de Vault à 12 h. 30 pour
gagner s'on secteur de couverture d'hiver : la région Névache - Plampinet .
Val-des-Prés. Dès son arrivée, saluée le soir par les fusées rouges et
vertes du Chaberton, elle s'est mise au travail et, malgré la couche de
neige qui recouvrait la région, ell a construit des abris de tir sous
rondins pour toutes ses armes automatiques. Avec les ronces descendues de
l'Olive par câble, elle a construit le réseau de barbelés du sous•-quartier
de Plampinet. Du 12 avril au début de juin, malgré la neige, le froid et les
intempéries d'un printemps tardif dans la haute vallée de la Clarée, les
gradés, soldats d'active et disponibles rappelés du futur 82e B. A. F. ont
inscrit sur le terrain leur ardeur au travail. Nous serons, tout heureux de
retrouver ces abris lorsque nous remonterons dans ce secteur, pour de bon
cette fois, en février 1940. ,
Les équipages d'ouvrage, de Buffère et de Granon ont rejoint le camp du
Granon à cette époque et ils se souviendront longtemps du transport sur
place de toute la literie, munitions et matériel d'ouvrage par la piste
d'hiver du Tronchet, avec près de deux mètres de neige. Ils ont ouvert la
route du Granon, creusant, sous les congères de neige, des tunnels où
passeront les camionnettes de ravitaillement.
Avec les, beaux jours du printemps, au début du mois de juin, une
compagnie du 6e B. C. A. est venue relever la compagnie Pellegrin dans la
Névachie. Nous avons alors gagné notre secteur de couverture d'été : le
Granon, à 2.413 mètres d'altitude.
Le déblaiement des routes de l'Olive et de Buffère est alors entrepris;
puis, des que l'enneigement le permet, des pistes muletières sont tracées
pour accéder à tous les points d'appui. Des abris de tir sous rondins sont
construits au Meyret, pendant que les, équipages d'ouvrage, sous la
direction du sous lieutenant de Nanclas coulent de petits blocs de béton
pour remplir la mission de leur ouvrage non encore terminé.
Juin, juillet, août sont ainsi consacrés à jeter les bases de l'organisation
défensive de notre secteur. Les gradés et soldats d'active se sont
familiarisés avec le terrain où ils auront à combattre; connaissant
parfaitement leur mission et tous les vallonnements de ce coin des Alpes,
depuis la frontière jusqu'à la ligne d'arrêt, ils serviront de guides, en
toutes circonstances aux réservistes, qui viendront les renforcer.
FORMATION DU 82e B. A. F.
Le 23 août, les unités en secteur sont alertées, elles se tiennent prêtes
à toute éventualité et à recevoir leurs réservistes. La 1ere compagnie du
72e B. A. F. se scinde en deux :
- La 1e section F.V. est dirigée sur le col de Buffère ; elle servira de
noyau à la le compagnie du 82e B. A. F. Le 1er groupe de mitrailleuses,
noyau de la section de mitrailleuses de la 1e compagnie, assure
provisoirement la défense antiaérienne du camp du Granon ;
- La 2e section F.V. est au camp du Granon, noyau de la 2e compagnie ;
elle détache un groupe au fort de l'Olive. Le 2e groupe de mitrailleuses
occupe ses emplacements au Grand Meyret.
Les équipages d'ouvrages du Granon et de Buffère ont rejoint leurs
ouvrages respectifs. Le 24 août, les réservistes B1 sont convoqués. Ce sont
des hauts alpins originaires soit des vallées de la Guisane et de la Clarée,
soit de l'Embrunais: on du Gapençais. Ils rejoignent le centre d'habillage
de Saint Chaffrey, où ils sont équipés, puis montent au camp du Granon d'où
ils sont immédiatement dirigés Sur leurs formations.
Les 27 et 28 août, les réservistes B2 sont convoqués. Ils se composent de
Lyonnais, de Drômois et quelques « gars» de l'Isère. Ils sont équipés au
fort de Montdauphin, font étape à Briançon, puis rejoignent. le Granon le 29
août.
A cette date le Chef de bataillon Pont, commandant le 82e B. A. F., arrive
au Granon où il installe son P. C. avec le capitaine Joussin,
adjudant-major. Le 82e B. A. F. a été créé officiellement le 28 août; en
fait son esprit existe depuis le 12 avril 1939.
A la date du 30 août, la répartition des unités du 1e bataillon dans son
vaste quartier est la suivante :
La 1e compagnie, commandée par le capitaine Bellemain, puis par le
capitaine Hérouart à partir du 1er septembre, a son P. C. à Cristol et
occupe le sous.-quartier Cristol - Buffère, avec :
- la section du sous lieutenant Masson, aux chalets, du Queyrellin ;
- la section du lieutenant Charbonnel, aux chalets de Buffère ;
- la section du lieutenant Lanard, qui occupe la Gardiole ;
- la section de mitrailleuses du lieutenant Ducasse, qui a les
emplacements à la crête de l'Echaillon et au col de Cristol.
La 2e compagnie, commandée par le lieutenant Pellegrin (P. C.
Granon), occupe le sous-quartier Granon - Barteaux avec :
- section du lieutenant Casimir (provisoirement commandée par le sergent
Bonnaffoux) au fort de l'Olive ;
- section du lieutenant Buès, au col des Barteaux et sur la crête de
Peyrolles ;
- section de l'adjudant-chef Guillaumin (puis adjudant Isnard), en
réserve de quartier au camp du Granon ;
- section de mitrailleuses du sous-lieutenant Méra au Grand Meyret et
sur la crête de Berwick.
La S.E.S. du 82e B. A. F. (lieutenant Verken) est aux chalets du
Queyrellin et patrouille sur la frontière depuis le col des Muandes jusqu'au
col du Vallon.
La C. H. R. du bataillon est installée à Villard-Late, petit village en
arrière de la position ; c'est là que le lieutenant Roux, officier des
détails, et l’adjudant-chef Dallongeville., chargé des approvisionnements,
installent leurs services.
La section de mortiers (lieutenant Gineste) a passé deux groupes de mortiers
à la 1ere compagnie et un groupe à la 2e compagnie.
Les transmissions (adjudant-chef Bousset) s'affairent à concrétiser sur le
terrain le plan de transmissions.
Les équipages d'ouvrages, portés à leur effectif de guerre par l'arrivée des
réservistes B1 et de quelques techniciens du génie (électro-mécaniciens,
radios), occupent soit leurs ouvrages, soit des baraquements à proximité.
TRAVAUX DÉFENSIFS SUR LA POSITION GRANON BUFFÈRE
Reconnaissance des emplacements de combat, étude des missions et
installation en cantonnement ou en bivouac, occupent les premières journées.
Les chalets du Queyrellin et de Buffère sont relativement confortables ; au
col de Buffère, il existe déjà un camp de tentes, mais au col de Cristol
tout est à créer. Un camp de tente est dressé et la 1ere compagnie occupera
à plein les deux abris déjà construits en septembre 1938 par le lieutenant
Leray, du 159e R.I. A., et le lieutenant Pellegrin, du 72e B. A, F.
C'est au milieu de ces travaux préliminaires que nous apprenons la
déclaraton de guerre à l'Allemagne, événement à vrai dire pressenti par tous
; mais dont la lecture est accueillie au camp du Granon par un silence plein
d'émotion en même temps que de résolution. Une fois la première émotion
passée, ce ne fut dans les cantonnements, que rires, chansons eu «astuces». Les gars du 82e B. A. F., qu'ils soient Alpins,
Lyonnais, Drômois, se sentaient assez forts pour assurer pleinement leur
tâche et tous avaient foi dans l'issue heureuse de la lutte engagée, car
nous pensions que l'Italie ne tarderait pas à se déclarer ouvertement contre
nous. Ci-dessus Le camp du Granon au loin le Grand Area
et la Meije.
Tous se mettent au travail avec ardeur et entrain. Il s'agit de créer
d’urgence de solides points d’appui avec casemates bétonnées pour arme
automatique. Rien encore n'a été fait, en ce genre, dans le quartier en
dehors des deux petits ouvrages C.O.R.F. qui n'ont actuellement que leurs
galeries intérieures et leur bloc d'entrée.
Il faut faire vite, car, autant que l'ennemi éventuel d’en face, il faut
craindre la neige et le froid qui, d'ici un mois et demi, rendront tout
travail impossible.
Après inspection, le colonel Cyvoct, commandant le Secteur Fortifié du
Dauphiné, a demandé au 82e B. A. F.
de construire huit tourelles 'bétonnées'
aux points névralgiques. Entre le 8 septembre et le 20 octobre, ce seront,
non pas huit tourelles, mais « vingt champignons bétonnés» qui inscriront
sur le terrain la magnifique, ardeur au travail des Alpins du 82e B. A. F.,
aidés dans leur tâche par quelques techniciens du génie (4e Génie) .
Et pourtant, souvenez-vous des difficultés, a première vue insurmontables,
que vous avez vaincues.
Les cailloux qu’il fallait briser a la massette, puis transporter aux
emplacements dans des caisses à munitions vidées de leur contenu d'origine ;
le sable à extraire à la carrière de Roche-Gauthier et à transporter à dos
de mulet aussi, par le même procédé. C'est l'approvisionnement en eau des
chantiers, qui nous donna sans doute le plus de tracas Quelles difficultés
pour se procurer les quelques bidons de 50 litres nécessaires pour les
transports avec bâts; et puis ils se dessoudaient ou se perçaient, alors on
bouchait les fente avec des morceaux de toile ou de treillis. Le transport
de tous les matériaux de construction sur ces crêtes, ou jamais encore mulet
n'avait mis, le pied restera un des plus beaux exploits du 82e B. A. F.
Parallèlement à la construction de ces tourelles bétonnées, pour fusil
mitrailleur ou mitrailleuse, des abris de repos pour le personnel étaient
entrepris et menés jusqu'à exécution complète,c'est-à-dire avec réalisation
de leurs installation intérieure : couchettes superposées, râtelier d’armes,
poêle.
Revoyons ce qui a été fait, dans leur sous quartier respectif, par les
deux compagnies du bataillon :
La 1e compagnie a construit, sous la direction du capitaine Hérouart :
La 2e compagnie a construit, sous la direction du lieutenant Pellegrin :
- 3 tourelles au Grand.Meyret ;
- 3 tourelles sur la crête de Berwick ;
- 3 tourelles au col des Barteaux ;
En outre, aux Barteaux :
- 1 abri de section sous tôle cintrée forte, recouvert de béton,
avec une chambre à chaque extrémité et double galerie d'accès aménagé
intérieurement ;
- 1 abri léger pour vingt hommes, aménagé intérieurement.
Le groupe de mortiers de la 2e compagnie, de son côté, s'est
particulièrement distingué par la construction de ses emplacements de tir
bien organisés et fortement protégés, ainsi que d'un abri léger pour vingt
hommes.
C'est le chef de ce groupe de mortiers qui, devant la pénurie de recipients,
pour monter l'eau a son chantier, avait ramassé tous les bidons de ses
hommes et, avec ces bidons, accrochés au bât d'un mulet; a réalisé
l’approvisionnement en eau de ses travaux de maçonnerie et de bétonnage.
Tous ces travaux ont été effectués à des altitudes variant entre 2 400 et
2800 mètres. Les journées d'automne, sont fraîches à cette altitude; mais,
ni la bourrasque ni les chutes précoces de neige, n'ont diminuées


La marraine du bataillon offre le fanion au
commandant Pont.
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