Historique du 15e
BCA
Cet historique est issu d'un ouvrage sur le 15e BCA réalisé au
cours de la période d'occupation en Autriche et relatant les Combats de
Mai/Juin 1940. Une bonne part de l'ouvrage est consacrée aux combats du
nord ouest mais les dernières pages présentent le carnet de route d'un
éclaireur de la SES dont malheureusement le nom n'est pas mentionne.
La drôle de guerre
Lors du départ du Bataillon (12 Octobre 1939), la SES est laissée aux
Fourches. Deux, puis une reconnaissance par jour, sur la crête frontalière
limitée par le Pic des 3 Evéchés et le TORTISSA. Mise en place des
approvisionnements pour l'hivernage.
Hivernage sans histoire - Mauvais temps - Fatigue - Activité italienne
pratiquement nulle. Peu de changements avec la vie de poste de temps de
paix.
Par suite d'alertes ininterrompues, l'ouvrage est maintenu constamment
déneige. Toute la SES veut rejoindre le Bataillon "quelque part en France".
Nous en recevons sporadiquement des nouvelles.
Sensation pénible d'être embusqués.
OpérationS mai - juin 1940
17 Mai 1940
Par radio "ordre d'embarquer a Jausiers le 19, a 5 heures, pour une
destination inconnue". Joie délirante, préparatifs fiévreux. Nous pensons
aller en Norvège ou rejoindre le Bataillon. Les deux alternatives nous
plaisent.
18 Mai 1940
Départ des Fourches pour Jausiers. Montée par Granges Communes,
descente par les Granges. Neige horrible, sac effarant. Tout le monde
arrive y compris les chiens esquimaux, les traîneaux et les mauvais
skieurs. Très belle réception a Jausiers par le chef de Bataillon Lebeau,
Commandant le 73 B.A.F. Très grande déception, j'apprends que nous sommes
destines au renforcement de la défense de la Haute Maurienne.
19 Mai 1940
Embarquement en autocar. Unanimité absolue pour reconnaître que la
civilisation en général, et le moteur a explosions en particulier, sont de
belles choses. Halte a Gieres, ou l'on nous laisse espérer un repos de
quelques jours. La halte dure... 1 heure et nous rembarquons pour la
Maurienne. Débarquement a Lanslebourg a 19 heures. Reconnaissance de notre
nouveau secteur du glacier d'Arcelle Neuve au Mont Tomba inclus.
20 Mai 1940
Le groupe Bonneau est détaché a la Turra, pour assurer la surveillance
extérieure et patrouiller dans la region du Pas de la Beccia.
22 Mai 1940
Nous nous installons, réduits a 2 groupes, mais renforces de la SES du
11, dans le secteur assigne. La SES du 11 BCA (Lieutenant David) arrive de
Fouillouze. Elle prendra a son compte le secteur Grand Mont Cenis, Mont
Nunda inclus. La SES du 15e BCA aura le reste jusqu'au Col du Mont Cenis
exclus. Dans la vallée et sur notre droite le 281 RI. A notre gauche : personne.
Carte 1
et
Carte
2.
Notre mission particulière : surveillance, alerte, protection du replis
du 281 RI en tenant 15 minutes après son décrochage, recueil des éléments
égarés, combat retardateur sur l'axe : Lanslevillard, Champ de tir, les
Fesses, la Turra de Termignon, la Loza.
Deux points d'appui sont organises :
Un au sommet du Mont Tomba (Alt 2658m), l'autre légèrement en retrait
du Col de la Tomba. Nous remuons de la neige et des cailloux mais ça ne
vaut pas grand chose.
Carte 3
Travail épuisant de reconnaissance, de
surveillance constante, de ravitaillement, d'installation
défensive. Relève de nuit quotidienne d'un groupe par l'autre, mais le
groupe relevé prend une garde aussi pénible que le groupe relevant. Il n'y
a que permutation. Cependant, l'abris du Col est plus confortable que
l'abris du Mont Tomba (4 Hommes). Le ravitaillement est moins loin ainsi
que le téléphone (une heure de descente, 2 heures de montée). De plus il y
a un poele et un peu de bois. Nous correspondons par ER 40 avec la SES du
11, quand les appareils veulent bien fonctionner ce qui est rare. Temps
exécrable en permanence : vent, neige, tourment, brouillard chaque jour.
Il faut dire que nous sommes sur une face Nord de plus de 2600 mètres
d'altitude. Le Lieutenant Delanef demande une relève de quelques jours
pour faire reposer les éclaireurs qui sont a bout de force. Refus, car le
281 n'a personne apte a remplir l'emploi d'Eclaireur-Skieur.
En face, les italiens s'organisent eux aussi ou, plus exactement,
terminent leur installation. Ils sont une nuée dans la combe du Lac du
Mont Cenis. Chaque jour, arrivent de nouveaux bataillons, chaque nuit nous
entendons leurs convois auto se promener sur la route qui passe a nos
pieds, dans le fond. De temps en temps, un coup de phare éclaire leurs
longues files, puis tout s'éteint. La crête frontalière est truffée de
mitrailleuses et de postes d'Alpini, de chemises noires et de fantassins.
Quelques Guarda alla Frontiera. Ils ont sur nous l'avantage d'être arrives
les premiers et d'opère sur la face sur de la chaîne qui est pratiquement
déneigée.
Le Lieutenant David ne peut s'installer a la Nunda, ni au Col du Lou
(alt 3140m), encore moins au Grand Mont Cenis. La vie y est impossible.
L'accès même en est très difficile par suite du mauvais temps, de la neige
et surtout des avalanches qui se forment a longueur de journée. Les
italiens occupent ainsi tous les points dominants. Nous réussissons
cependant a nous approprier la Croix du Mont Tomba. Ils y avaient installe
2 mitrailleuses et 1 FM servis par un effectif imposant pour nous : 30
hommes. Des notre arrivée, le Lieutenant installe les 12 hommes et le FM
du point d'appui a un mètre de leur poste. Nous nous regardons dans le
blanc des yeux pendant 2 jours, puis les italiens font un bond de 30 mètre
"in dietro" et s'installent sur la lèvre d'une petite cuvette qui se
trouve la. Le lieutenant est très fier de son succès et tient un excellent
point d'observation qui lui permettra de transmettre des renseignements
intéressants.
9 Juin 1940
Dans la soirée, message annonçant l'entrée en guerre de l'Italie, le
10. Nous n'en sommes pas étonnes, car suivant l'expression de certains :
"ça sentait la camomille" depuis 2 jours. Ordre formel de ne pas commencer
les hostilités et de pénétrer sous aucun prétexte en territoire italien.
Nous n'ouvrirons le feu que si nous sommes attaques. Tout n'enchante pas
le Lieutenant car, pour le moment, nous avons en face de nous : 2
mitrailleuses et 1 FM sur le Mont Tomba, 2 mitrailleuses sur le flanc
ouest de la Nunda, 2 vers le col de la Tomba et nous ne pouvons y opposer
que nos 2 FM et 2 grades et chasseurs. Pour égaliser les feux, on décide
de tenter 2 coups de main en même temps : le Lieutenant David et un de ses
groupes, appuyé par les 2 autres qu'il déplacera vers l'ouest., ne
laissant que de simples bouchons sur ses emplacements normaux, essaiera le
11 a 5 heures de "barboter" les 2 mitrailleuses du flanc de la Nunda qui
nous dominent en altitude et qui le gênent lui aussi. En même temps, nous
essaierons avec un demi groupe la même opération sur celles de la Tomba
Temps affreux, perte de temps énorme "ça foire lamentablement". Il n'y
a rien a faire, nous sommes trop peu nombreux et ceux d'en face se
méfient. On décide de tout laisser tel quel et de s'en remettre a la
providence ! Le FM du col de la Tomba fera ce qu'il peut sur les
mitrailleuses de la Nunda, et sur celles du Col, aide par un groupe du 11
qui se déplace a la cote 2441. Le FM du Mont Tomba aura pour sa part, les
armes automatiques d'en face lui. Enfin, nous n'avons que 25 grenades (des
F1) qu'on ne peut gaspiller dans les coups de mains hasardeux.
Jusqu'au 20 Juin : patrouille du Lieutenant des toutes les nuits, avec
ses 2 fidèles : le Sergent Chatel ou le Caporal Cecil et un chasseur. Le
Sergent Chef Cau en fait autant avec le Sergent Bastide. Nos tentatives
pour faire des prisonniers échoue, toujours pour les mêmes raisons. Les
embuscades sont pénibles. Il fait un froid intense. Heureusement, nous
avons découvert, lors d'un ravitaillement quelques peaux de mouton qui
nous protégent. Chatel ne manque jamais de glisser, a l'intérieur, sa
serpe qu'il a aiguisée a la façon d'un poignard javanais. Réaction nulle
des Italiens. Leurs patrouilles ne dépassent jamais la frontière. Ils
ignorent certainement nos forces (ou plus exactement notre faiblesse), et
les rares Chasseurs qu'ils aperçoivent dans la journée doivent leur
inspirer une grande frayeur, avec leur barbe d'un mois, leur pupille
ardente et leurs défroques pour le moins curieuses.
Guets en permanence tous azimuts, dans la neige et les cailloux,
entoures d'un mince fil de fer, qui constituent les PA. C'est épuisant.
Nous ne dormons que 2 ou 3 heures de suite tous les 2 jours. La soupe
chaude est une merveille difficilement accessible.
Quant aux chaussures et aux vêtements, personne ne se souvient plus que
ça ne fait pas partie de l'anatomie spécifique de l'homme. Heureusement,
nous avons en abondance une gnole curieuse mais pleine de vertus. Et
toujours un temps de chien et un froid hors de saison.
20 Juin 1940
Les italiens se massent. Ca ne va pas tarder. Le lieutenant alerte.
21 Juin 1940
3H30, Cau est accroche le premier par l'attaque ennemie. Peu a peu, ça
barde dans tous les coins. Vers 7 heures, les Italiens fond donner
l'artillerie. Deux calibres : le 65 et le 149. Les avions règlent leur
tir. D'autres se promènent en l'air sans nous attaquer a la bombe ou a la
mitrailleuse comme ils le font a la Redoute. Les obus cognent un peu
partout sans nous faire aucun mal. Les deux 75 de l'ouvrage de la Turra
répondent aux canons italiens. Ils font un travail magnifique sur les
colonnes d'attaques ennemies. Des files entières d'hommes sautent en
l'air.
La Turra subit de sévères tirs de représailles. Les gros calibres
pleuvent. Nous pensons a Bonneau et au 2eme Groupe. Celui ci accroche au
Pas de la Beccia se replie en combattant sur l'ouvrage et s'y enferme. Il
y a fait du beau travail.
LA Turra nous aide sur notre droite par des tirs de mitrailleuses a
limite de portée. Il ne peut le faire, hélas, que peut de temps, car lui
aussi est presse de tous cotes. L'attaque Piaf se développe. Deux
Compagnies, puis trois, puis une infinité de monde "s'énervent" sur la
Tomba et sur le flanc ouest . Dans le fond, vers le Col du Cenis, les
mortiers de la Turra arrêtent tout, y compris les chars légers et
superposent leurs feux a ceux de l'ouvrage des Revets.
Toute la journée, les vagues italiennes se succèdent "sandwichées"
d'artillerie. Nos grenades sont épuisées depuis longtemps, les FM ont fort
a faire, mais le mousqueton, inséparable ami de l'éclaireur, supplée a
tout. Les Italiens ne passent pas et en sont très étonnes.
Au plus fort de la bagarre, Cau prend un instant le FM. Résultat, en 3
minutes : 2 mitrailleuses ennemies sans servants. Quant a ceux d'une
troisième, ils mettent prudemment un gros caillou devant eux.
De la cote 2441, le lieutenant David nous aide beaucoup, il fait des
cartons magnifiques a 2000 mètres sur des chemises noires qui essayent de
nous avoir a la grenade par le flanc Est. Les Chasseurs sont splendides de
calme. Troupe d'élite en temps de paix, nous avons tous a coeur de rester
troupe d'élite au combat.
Chacun fait son devoir. Le mot repli n'est même pas prononce. Et
pourtant, c'est de la lutte a 1 contre "???", a 50 mètres le plus souvent.
16 heures : les Garnisons des ouvrages de la Ramasse et des Arcellins
décrochent. Le 281 se replie par échelons a l'exclusion des Revêts.
Nous n'avons plus personne a notre droite, sauf les ouvrages de la
Turra et des Revêts a 3500 mètres. La route du Cenis est ouverte, malgré
les feux des ouvrages qui tiennent. La SES se met "en boule" et
ça
continue.
Le Lieutenant décide de décrocher a la tombée de la nuit. Il en avertit
le Lieutenant David par ER 40, appareil qui, pour une fois,veut bien
fonctionner,
L'opération se fera en 2 temps : la SES du 15 décrochera la première
jusqu'a Lanslevillard. sous la protection de la SES du 11 moins engage.
Le Chasseur Pinaud , du 3eme groupe , qui formait a lui tout seul notre
couverture a droite, ne décroche pas au moment voulu, étant trop occupe.
Il s'aperçoit subitement qu'il est seul, se dégage, fonce vers
Lanslevillard et s'arrête au bout de 100 mètres.
Il se rappelle que le Lieutenant a dit maintes fois que, dans un repli,
il fallait toujours s'assurer que le FM, n'avait pas été laisse. Pinaud
remonte alors, par bonds, la pente descendue, fait un vacarme infernal,
tire, hurle, se transforme a lui seul en contre attaque de Bataillon, fait
reculer les Italiens sidérés, arrive a la vitesse d'un dard sans avoir été
touché.
Je crois que ceci dépasse le cadre de la conscience professionnelle. A
notre grand étonnement, le décrochage se passe bien. Nous nous installons
définitivement sur la rive droite de l'Arc. Destruction de la dernière
passerelle existante aussitôt l'arrivée du Lieutenant David.
Un peloton moto du GRD arrive de Bessans. Il craint d'être coupé. On
promet a son Capitaine de protéger son repli, et a minuit, il part, a
travers champs, dans une pétarade de Jupiter tonnant. Quelques instants de
repos. Nous mangeons de vieux croûtons trouves au fond des poches. Les
Italiens se tiennent tranquilles de l'autre cote du torrent.
22 Juin 1940
2 heures du matin, Il faut partir. Nuit noire, pluie torrentielle. Etat
de fatigue toujours très grand. Le lieutenant décide d'abandonner l'axe de
repli qui avait été imposé par la Turra de Termignon, et de suivre tout
simplement la route. Les Italiens ont du nous y précéder mais tant pis, ce
sera une occasion d'opérer sur leurs arrières et de semer un peu de pagaye
chez eux. Nous n'avons plus hélas que peu de munitions : quelques
cartouches de FM et de mousquetons,
Progression par échelons du groupement 11-15, traversée de Lanslebourg,
sous les obus Français et Italiens. La situation doit être assez confuse
pour les artilleurs ! Des obus incendiaires mettent le feu a quelques
maisons, malgré la pluie. Pas un Italien sur la route. Arrivée a Termignon
au petit jour. Le pont a saute. Nous passons l'Arc sur ses abris.
Deux sapeurs du Génie sont la. Un a une jambe cassée, l'autre est
atteint a la colonne vertébrale. Nous les transportons un moment mais ils
sont lourds et nous sommes a bout de forces. Nous devons les abriter dans
une cahute malgré leurs supplications déchirantes.
5 heures : Coup d'oeil des Officiers sur la carte. Ils décident de
quitter le fond de la vallée ou ça grouille et de monter Schuss a la Loza
ou nous devons trouver du monde, des ordres, des munitions et des vivres.
Cette montée restera pour nous le Calvaire de la Loza. le fond de la
vallée de l'Arc est occupe jusqu'a proximité d'Aussois. C'est folie que
d'avoir, de jour, la prétention de passer a travers les troupes
italiennes, dont on ignore l'importance. La seule solution consiste donc,
pour nous, a dépasser l'ennemi par les hauts, ou il ne peut avoir que des
détachements légers, pour rejoindre les lignes françaises
vraisemblablement, si on en juge d'après les réactions de feu, accrochées
a Nant Aussois.
Nous grimpons a travers la foret d'abord a une allure presque normale,
malgré la fatigue et le sac lourdement charge. La SES est une troupe
légère! Mais bien vite, l'allure faiblit. Les pauses deviennent
fréquentes, les gens se taisent, les 2 sections s'échelonnent. La limite
des forets est dépassée. Nous craignons beaucoup moins une mauvaise
surprise. Ascension pénible dans les bancs rocheux par des gens épuises.
La traversée des premiers glaciers de la Dent Panachée est un supplice.
De nouveau le rocher. On se traîne, quelques mètres puis on se laisse
tomber n'importe ou, n'importe comment. Les Chasseurs sont affreusement
pales. Quelques uns défaillent de fatigue et de faim. Il y a si longtemps
que nous n'avons plus mange...Vers 19 heures la partie difficile est enfin
franchie. A 20 heures, la Loza. Personne : pas un homme, pas un papier, pas
de vivres, pas de munitions. Deux fils téléphoniques pendent, l'appareil a
été arraché a la hâte. La Loza se compose de 3 chalets, dont un en ruines.
Les hommes se couchent. 2 guetteurs, volontaires, veillent (?) aux
fenêtres. Tout le monde s'endort, après avoir racle les fonds de tiroirs
et dévore des choses inavouables. Le lieutenant est comme a l'ordinaire
et, pourtant, nous tous, nous savons bien qu'il lutte plus que nous encore
contre le désespoir. Que faire ?
Minuit : Descente sur Aussois ou nous pensons trouver des lignes
françaises. Si Aussois est occupe par les Italiens, nous remonterons pour
redescendre plus loin sur Modane. Départ, par échelons, par le chemin de
la Loza-Aussois qui serpente sous le Roc des Corneilles.
24 Juin 1940
2 heures. Pleine descente ! Halte ! Coups de feu ! Tout le monde se
plaque sur le sol. On crie "FRANCE" a tout hasard. Aussitôt, un magnifique
barrage général se déclenche sur nous de proche en proche. L'artillerie se
mêle au feu d'artifice. Nous reconnaissons dans tout ce vacarme, FM et
mitrailleuses françaises. Les départs d'artillerie viennent du cote
français. Il n'y a pas de doute, on nous prend pour des Italiens.
Quelques minutes après, derrière nous : autre musique, les
mitrailleuses italiennes se mettent de la partie. Nous voila joliment
sandwiches !
La situation ne peut se prolonger longtemps sous peine de
volatilisation intégrale. Homme par homme, les Eclaireurs s'abritent comme
ils peuvent. le Lieutenant part sur la route pour trouver le "Couloir
prive de feux", et pour se faire reconnaître. Agréable promenade dont il
se souviendra longtemps !
A un tournant, 3 FM français lui tirent dessus a bout portant. Il ne se
couche même plus... et ils le manquent. Il crie. Hurle. rien a faire... Il
retourne sus ses pas et rencontre enfin le Sergent Chatel et le Chasseur
Michoud qui se sont portes en avant pour chercher son corps. Ce geste
n'est au fond au fond que l'expression de notre affection pour ce Chef !
Le feu faiblit, reprend, cesse, reprend. Nous n'y comprenons rien. Une
accalmie : nous nous installons "en boule" sur un tumulus pour passer le
reste de la nuit. Si les Italiens attaquent au matin, ils tomberont sur un
"bec" imprévu.
Le jour point. Rien ne se passe. Le Lieutenant David et 2 hommes de sa
SES s'avancent vers les lignes françaises. Ils se font reconnaître. Nous
les suivons peu après, lorsqu'ils nous font signe. Excellent accueil de la
5e Cie du 281e RI, Nous sommes des revenants. On ne comptait plus nous
revoir. Nous mangeons et nous reposons jusqu'au soir. L'ordre arrive de
monter a Plan Sec, ou avec l'appoint du 47e BCA, nous constituons un fort
point d'appui. Il y a la haut vivres et munitions en abondance.
Nouvelle d'un armistice pour le 25 : Minuit 15. Dernière nuit de
combat. Déluge effroyable de feu sur toutes les lignes. Les italiens sont
secoues, ils ne s'attendent sans doute pas a ça. Nous marquerons au moins
notre volonté jusqu'a la dernière minute. depuis les 20 Juin, nous étions
sans nouvelles du Groupe Bonneau, reste a la Turra. Mille bruits avaient
circule sur son compte : tantôt il était prisonnier, tantôt il était
anéanti, tantôt il errait dans la montagne. Nous avons la grande joie de
le voir un beau matin, débarquer parmi nous, fier d'avoir vaillamment fait
son devoir dans le secteur qui lui avait ete assigne.
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