Le bataillon Berthier
Lorsque le bataillon BERTHIER, parti de Sathonay le 30 Septembre
débarqua à Embrun, puis fut acheminé sur Briançon, il venait de comprendre
qu'on le baptisait Alpin, et il allait apprendre
qu'il allait à Névache.
Les lyonnais savent évidemment ce que c'est
que les Alpes. Par temps clair on distingue très nettement le Mont-Blanc
du haut de Fourvières, et par tous les temps en hiver, on voit des
quantités de gens à la gare de Perrache, les
jambes gainées de fuseaux et l'épaule chargée de skis.
Mais aller faire des sports d'hiver dans les
Alpes, et attaquer les hauts lieux avec une arbalète à la main, ce n'est
pas "la meme".
Car le bataillon, ne l'oublions pas, n'était pas mieux équipé pour
aller guerroyer sur les Alpes que pour remplir le même office contre les
poches de l'Atlantique. De plus, l'entraînement à la "varappe", à de rares
exceptions près, n'avait pas dépassé l'utilisation de la "ficelle" de la
Croix-Rousse. Et puis, Névache, cela vous a une drole
de consonance. On ne peut s'empêcher de penser au bovidé encorné d'aigu
qui vous regarde de travers en grattant le sol de ses sabots fourchus.
Laissant sa C.H.R. à Briançon, envoyant la
3ème à l'instruction et en réserve à st Chaffrey, le batailIon poursuivit
sa route dans la vallée de la Clarée par la Vachette et Val des
Pres. Déposant la 1ère
à Plampinet, la 2ème et le P.C. à Ville Basse,
le flot montant mourait avec la 4ème à Névache Ville Haute, au bout de la
route carrossable et à la limite de l'habitat humain.
Si en cours de route le bataillon avait été regardé avec un peu
d'ironie par l'Armée d'Afrique et mon Dieu, cela se comprend un peu, elle
ne savait pas avec beaucoup de circonspection
par la population de Névache, par contre, il fut
accueilli avec joie par l'unité qu'il allait
relever.
Le bataillon de l'Oisans combattait en effet
depuis le 6 Juin dans la région, et particulièrement depuis le 15 Aout,
il avait fait un gros effort pour dissocier l'ennemi et préparer la
victoire. Depuis la reprise de Briançon, il
tenait le quartier de Névache et avait grand besoin de repos. La relève
fut faite rapidement. Le P.C. du bataillon s'installa au Grand Hotel
de Névache.
La 1ère compagnie reçut pour mission de verrouiller
l'étranglement de la vallée à Plampinet, accès de Briançon, et de
surveiller le col des Acles en tenant les points d'appui de la Moraine et
de la Cleyda.
La 2ème Compagnie d'interdire l'accès du col de l' Echelle en tenant
deux points d'appui, sur le col même, aux cotes 1885 et 1766, et un petit
point d'appui arrière, près de la chapelle de N.D. de Bonne Rencontre.
La 4ème Compagnie devait interdire l'accès du
col des Thures et les pentes de l'Aiguille Rouge, en tenant un point
d'appui aux Chalets des Thures, et un petit point d'appui très avancé à
Grange Chevillot, chargé de surveiller la Vallée
Etroite.
Ainsi commença, le 1er Octobre, la vie dans le quartier de Névache.
Elle devait etre rude et quelques fois
dramatique. Mais elle demeura toujours ardente, et la camaraderie de
combat née au maquis, devenant chaque jour plus étroite, donna au
bataillon une cohésion et une combativité que la foi patriotique de ses
volontaires avait déjà pourvue.
La vie était rude. Sans préparation à la vie en montagne, mal habillés,
mal équipés -on ne piétine pas impudemment dans la neige en petit souliers
mal armés, sans accessoires pour entretenir les armes disparates, sans
graisse de nettoyage, sans huile de fonctionnement, portant leurs
cartouches dans leurs poches, les chargeurs de F.M. et les bandes de
mitrailleuses sous le bras ou dans les sacs à terre, il fallut bien
pourtant tenir, se défendre, attaquer meme à
l'occasion.
Le cantonnement était assez bon. Les vieilles maisons au
rez-de-chaussée voûté étaient à peu près à l'épreuve du 150; aussi les
habitants n'eurent pas de pertes à déplorer. Les effectifs au repos, ou
plutot au cantonnement d'alerte, en profitèrent
également.
Par contre dans les points d'appui, la vie était très pénible. En haute
montagne, la première condition d'existence est l'habitat. Il faut un
toit, 11 faut des murs, 11 faut du feu. Bien équipé, on peut quitter ces
refuges pour fai-re un raid, mais il faut pouvoir revenir s'y reposer, s'y
refaire, s'y soigner.
Les postes avancés ne répondaient que de loin à ces conditions, et il
fallait pourtant y vivre et tenir. Les guetteurs y passaient des veilles
atroces, par des froids de -25, et lorsque le vent ou la tempête de neige
se le-vait, la vie devenait pour eux un martyre.
En général, les postes étaient relevés tous les quatre jours. Au mois
d'Octobre, cela allait très bien, mais après le 15 Novembre cela devint de
plus en plus difficile. Les effectifs avaient fondu, les tués, les
blessés, les malades, et il y en eut beaucoup parmi nos trop jeunes
soldats, sous-alimentés dans leur adolescence, et dont la santé à pareil
régime était en perpétuel danger.
En Décembre, une mauvaise épidémie de gale rendit le problème encore
plus angoissant. La désinfection des postes n'était pas très facile sous
l'oeil vigilant de l'ennemi.
L'Echelle nécessitait 60 hommes, qu'il fallut
bientot réduire à 40, pour servir les 4
mitrailleuses et les 9 F.M. de la défense. A ce compte, la 2ème
s'efforçait d'entretenir deux équipes de relève. Les Thures et Grange
Chevillot absorbaient 55 hommes qu'il fallut de même réduire à 45.
Et pourtant la 3ème avait été appelée en renfort. Elle avait pris à son
compte ces deux postes, la 4ème assurant la surveillance des accès de la
haute montagne vers le col de l'Etroit du Vallon et aux Chalets de
Queyrellin. 
Aussi fallut-il bientot abandonner le procédé
normal des relèves collectives, et nos malheureux soldats eurent jusqu'à
seize heures par jour de guet ou de service.
Les villages de Névache, Plampinet et Sallé, ou la 3ème était venue
s'installer, n'étaient d'ailleurs pas des cantonnements de repos mais
d'alerte. Les infiltrations et les raids ennemis étaient possibles chacun
se souvenait du raid sur Termignon en Maurienne.
De plus, l'observatoire allemand des Rochers
de la Sueur déclenchait à tout propos sur les cantonnements des
bombardements de 77 ou de 150. Aussi la garde y était nombreuse,
permanente et vigilante surtout la nuit. C'est ainsi que les hommes se
reposaient en descendant des lignes. D'épineux
problèmes furent perpétuellement soulevés qui ne reçurent jamais de
solution satisfaisante.
L'habillement s'améliora par la réception de
vetements chauds; mais en général peu adaptés au
service. Les chapinettes, peaux de mouton et paletots matelassée furent
cependant acceptés avec joie. Les chaussures demeurèrent toujours
insuffisantes et de mauvaise qualité. Nos
camarades de l'Armée d'Afrique n'étaient d'ailleurs pas mieux pourvus.
La nourriture fut très longtemps insuffisante, surtout pour vivre sous
un tel climat. Le ravitaillement en vivres américains apporta une grande
amélioration, mais qui déçut très vite. Les "Meat and Vegetables Stew'',au
bout de peu de temps furent pris en horreur, et
bientot ces aliments dévitaminisés
occasionnèrent de la gingivite.
L'armement et les munitions donnèrent également beaucoup de soucis. La
graisse et l'huile manquantes furent bien remplacées par du gas oil, mais
ce n'était qU'un pis aller. Aux basses températures, les armes gelées ou
givrées ne fonctionnaient plus, les percuteurs se brisaient, les rendant
inutilisables.
L'équipement défensif des points d'appui fut une cause de grands
soucis. Il nous aurait fallu des sacs à terre et du barbelé en grande
quantité. Il nous en fut livré trop tardivement et de façon insuffisante,
car la saison était déjà trop avancée. Il fallu donc se contenter des
moyens du bord, comme toujours dans notre pauvre et cher pays. Les
planches, madriers et rondins furent "piqués", les pierres et les
branches, trouvées sur place ne manquaient pas. En prévision des grosses
chutes de neige, rendant l'accès aux points d'appui très difficile, un
approvisionnement de surete de 20 000 rations
américaines, et de 200 000 cartouches fut mis en place dans les postes
avancés ou éloignés des Queyrelin,
de Grange Chevillot, des Thures, de l'Echelle, de la Cléda et de l'Olive.
Ce ne fut pas une petite affaire. La grande variété de munitions,
correspondant aux diverses armes, le poids et l'encombrement énorme, et le
transport par des pistes impossibles nous donnèrent assez d'ennuis. Une
section de transport muletière nous fut envoyée, escortée jusqu'à Névache
par deux automitrailleuses, chose assez cocasse en ce pays.
Malgré cette "corrida" de mulets, le Fritz ne fut pas trop méchant et
nous n'eumes qu'une
seule perte à déplorer, celle d'un mulet. Au cours d'un bombardement,l'un
deux s'effondra sous sa charge. Prêts à nous
apitoyer sur le sort de ces pauvres bêtes qui partagent à la guerre le
sort des hommes.,. nous constatames qu'il
n'avait pas la moindre blessure, et qu'il devait être mort de peur ou
d'une peine de coeur refoulée.
De héros, il passa de suite au rang de bête de boucherie, et prit, pour
une et dernière fois à dos d'homme, le chemin de la cuisine de la 3ème
compagnie.
La Névachie s'était signalée à l'attention du commandement par sa
nervosité. L'ennemi paraissait s'intéresser à ce bout de territoire,
peut-être parce que ses défenseurs eux-mêmes s'agitaient.
Tout ne se fait pas en un jour, et il fallut souvent se plaindre,
apitoyer, quelquefois même faire le geste de rendre son tablier.
Il est humain de ne considérer que sa situation particulière et
d'oublier les autres. Le commandement qui dicerne
doit savoir équitablement répartir. Bref, l'Echelle ayant été considérée
comme zone sensible, la Névachie devint intéressante et des moyens
supplémentaires lui furent octroyés.
En prévision de l'installation d'une section de 75 au fort de l'Olive,
le personnel nécessaire, sous le commandement d'un sous-lieutenant fut
envoyé en stage d'instruction.
Le fort, situé au dessus de Plampinet est parfaitement placé pour
surveiller et battre les passages d'accès à la vallée de la Clarée. C'est
aussi un observatoire excellent d'où l'on peut voir la Sueur d'un peu
moins bas que d'habitude. Le stage terminé, la section d'artillerie,
car elle l'était devenue entre temps,
prit possession du fort et de deux canons de 75 de campagne -il n'y avait
plus de pièces de casemates- qui furent installés en plein vent.
Mais la saison était déjà avancée, et leur venue par le col de Granon
déjà fortement enneigé fut difficile. Une grosse chute de neige coupa
définitivement le chemin le lendemain même, et l'approvisionnement en
munition fut réduit à 260 coups, une petite demi-heure de feu pour tout
l'hiver.
Il y avait bien un téléphérique, mais la "ficelle", en était coupée.
Tous les efforts pour le remettre en état, jusqu'à l'achat d'un câble,
demeurèrent vains. Et le téléphérique continua de n'exister que sur la
carte.
Aussi le fort de l'Olive, avec ses 260 coups, devint une petite île
perdue dans la neige, vivant sur ses réserves, en attendant le printemps.
A part quelques liaisons par estafettes, le seul téléphone, assurant les
communications, signalait la vie du fort et permettait de transmettre le
compte rendu quotidien et les renseignements d'observatoire.
Le bataillon ne possédait qu'un seul mortier de 81. Le 1er RTA lui en
détacha une section que commandait le sergent chef ROUCHEL. Lorsqu'il
reçut sa désignation, il se récria d'abord, ne voulant pas venir se perdre
parmi les FFI, mais l'accueil qu'il reçut le fit
bientot changer d'avis.
Au bout de peu de temps, sa section faisait bloc avec le bataillon, et
lorsque son régiment le rappela, ses regrets
furent vifs de nous quitter, comme les notres de
perdre ce charmant camarade.
c'était un chef de section remarquable et un guerrier valeureux.
Toujours pret à foncer, rien ne l'émouvait que
le désir de frapper, de cogner et de frapper encore.
Il maintenait dans sa section une discipline de fer.
Payant de sa personne, ses tirailleurs le suivaient avec entrain.
Lorsqu'il supposait qu'un guetteur relâchait sa
faction, ce dont il se rendait compte en jouant le "Fritz",
il lui faisait claquer aux oreilles deux ou trois coups de Colt. Le
tirailleur affolé ne ripostait pas ou mal,
il avait la baraka, puis se faisait
secouer d'importance.
Il était relié "par fil spécial avec bigophone" au P.C.
Lorsqu'on entendait cet instrument psalmodier
un certain air, c'était Valentine -son indicatif de combat- qui était au
bout du fil. Le quartier était trop étendu pour que d'un emplacement la
section de mortiers puisse tirer partout. Ne pouvant d' autre part être
partout à la fois, et prévoyant le cas de crise, il en fut trouvé un
d'où l'on pouvait aider l'Echelle et les Thures, les deux passages
les plus importants. Le sergent-chef ROUCHEL travailla la question avec
une grande compétence technique, et réalisa ainsi une possibilité d'appui
rapide.
Prosélyte convaincu, il se chargea de faire l'instruction d'une section
de mortiers FFI, qui, bien que n'ayant qu'une
pièce, était désormais capable d'en servir quatre lorsqu'on les lui
donnerait.
C'est ainsi qu'une section mixte tirailleurs
FFI à cinq pièces, dont l'adjoint FFI était le sergent-chef CASTAN fut
constituée. De la maison forestière de la Combe des Thures, les deux
missions principales, ainsi que des tirs de harcèlement dans la Vallée
Etroite furent soigneusement étudiés et repérés.
Dans le mAme temps, l'artillerie d'Afrique avait mis
au point tous ses tirs. Ces moyens réunis donnaient au front une
solidité et une sécurité excellente. Cela ne pouvait pas durer longtemps.
Appelée sur le front d'Alsace, la 4ème DMM et sa précieuse artillerie
devait nous quitter un jour, sui-vie peu après de la section de mortiers,
au moment ou sa présence eut été le plus nécessaire. Après avoir été forts
et riches, nous devions redevenir plus faibles et pauvres qu'avant.
Les transmissions étaient assurées par un réseau téléphonique complet.
Mais l'entretien des lignes perpétuellement coupées par les bombardements
et les chutes de neige donnèrent à la section de transmission un mal
inouï. Que de fois ce maigre lien avec les postes perdus dans la montagne
paru tenu. Quelles craintes ont-ils données lorsqu'à l'appel ils ne
répondaient pas. Le front, épousant presque la
frontière, donnait à l'ennemi l'avantage du terrain.
Maitre de la Vallée Etroite sue laquelle nous n'avions aucune vue et
pratiquement aucune possibilité permanente, l'ennemi pouvait nous disputer
la maîtrise de la vallée de la Haute Clarée, sur laquelle ses vues
plongeantes étaient parfaites.
L'observatoire et le point d'appui des Rochers de la Sueur l'avaient
sous les yeux et pouvaient intervenir à tout moment sur le col de
l'Echelle par les armes de petit calibre et les mortiers, sur la ligne de
communication, la route Névache-Plampinet par les mitrailleuses et les
mortiers, et sur l'ensemble, notamment les cantonnements, en faisant
intervenir l'artillerie.
Cette grave hypothèque grevait durement notre défense. Mais une autre
faiblesse résidait dans l'insuffisance montagnarde et alpine du bataillon.
Il manquait de jambes.
A part le chef de bataillon, alpin et skieur de grande classe, on
pouvait compter sur les doigts d'une
seule main les gradés et hommes susceptibles de
le suivre, et capables d'un raid offensif qui ne se termine pas en
catastrophe. L'ardeur, la bonne volonté, voire la témérité ne manquaient
pas, et la preuve en fut faite mainte fois, mais une bonne section
d'éclaireurs skieurs bien entraînée eut mieux arrangé les choses.
Nos adversaires sur ce point étaient mieux pourvus. Un bataillon de
chasseurs de haute montagne, basé à Mélezet ou Bardonnèche, était chargé
d'agiter le secteur. Ils vinrent souvent, presque toutes les nuits au col
de l' Echelle, patrouiller et essayer de nous
enlever nos postes. Il est possible qu'ils se soient infiltrés jusque dans
la vallée.
A cet égard, une de leur pratique courante consistait à envoyer un
officier ou sous-officier et un ou deux hommes qui restaient en
observation deux ou trois jours dans nos lignes, vivant comme les lièvres
à l'abri de leur seule fourrure.
Cette crainte, jointe au mordent peu ordinaire de nos volontaires, les
rendaient vigilants et évitaient
certainement des surprises désagréables.
A ces troupes d'élite qui nous étaient opposées, la configuration du
pays, la grandeur du secteur à défendre et l'exiguïté de nos moyens
pouvaient en effet donner de grandes possibilités •
Peu après l'arrivée du bataillon BERTHIER à Névache,
le bataillon FFI de l'Ardèche vint tenir le quartier du Montgenèvre.
Son PC se trouvait à la Vachette.
Le bataillon FAUVEAU, puisque c'est de lui qu'il
s'agit, était un très beau bataillon, très ardent et très sur. A lui
revint l'honneur de tenir le col du Mont Genèvre et le bois de
Sestrières, au pied du fort Janus, très
convoités par l'ennemi.
Bientot, la 4ème demi
Brigade d'Infanterie alpine FFI était constituée, avec les bataillons
arrivés dans le Briançonnais:
- 1er bataillon BERTHIER dit F.F.I. du Rhone
- 2ème FAUVEAU F.F.I. de l'Ardèche
- 3ème RAVEL F.T.P. de l'Ardèche
- 4ème LE HENRY F.F.I. du Jura
Le Lieutenant-colonel Marielle-Tréhouart en
avait pris le commandement. Cette 4ème 1/2
brigade d'infanterie alpine avait des soeurs, la 5ème
1/2 brigade de chasseurs, commandée par le
Lieutenant-colonel DE GALBERT, la 7ème 1/2
brigade de chasseurs, commandée par le Lieutenant-colonel LERAY et la 2ème
1/2 brigade d'infanterie alpine commandée par le
Lieutenant-colonel DE LASSUS.
L'ensemble formait la 1ère Division alpine F.F.I. aux
ordres du Colonel VALLETTE D'OSIA.
Ainsi, avec ses faiblesses, mais aussi avec son ardeur et sa grande
force morale, le bataillon BERTHIER était fortement ancré dans ce col de
Névachie. Sans vouloir faire parler de lui, il tenait seulement à faire
tout son possible pour remplir la tlche qui lui était confiée.
Enfermé dans sa vallée à vingt kilomètres de tout secours, sa ligne de
communication sous le feu ennemi et susceptible d'etre
interceptée, observé dans tous les détails de
son activité par un observatoire vigilant, sa
situation tactique était un non-sens militaire.
Dans le plan de défense organisé et appliqué, en 1914 et 1939, la
Névachie était évacuée, et Plampinet formait le bouchon protégeant
Briançon dans la vallée de la Clarée, face à la haute montagne.
Les forts du Granon et de l'Olive avaient été spécialement construits
pour tenir sous leurs feux les passages déjà indiqués de l'Echelle, des
Thures et des Acles.
Mais en 1944, la mission nouvelle était de garantir les derniers
villages français contre les dernières entreprises des gens d'en face.
Aussi les trois cents habitants de Névache et
de Sallé qui n'avaient pas voulu abandonner leur village pouvaient ils
être rassurés, si ce n'est tranquilles.
Le Bataillon BERTHIER faisait bonne garde et les protégeait de son
Corps.
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